Par millions, nous l'avons suivi sur les routes du Tour, nous l'avons poussé vers la victoire d'étape au panache - sa troisième en trois ans sur la Grande Boucle - dans la montée de Peyragudes, nous l'avons rêvé en jaune à l'issue des Alpes et nous avons tremblé à Marseille pour qu'il reste, à une seconde près, sur le podium : au-delà de sa place sur la troisième marche du podium du Tour de France 2017, Romain Bardet s'est installé dans le coeur du public en même temps que parmi les ténors de son sport.
A l'heure où le très populaire Thomas Voeckler, qui fut jadis un valeureux porteur du maillot jaune, faisait un dernier Tour et s'en allait à la retraite, le leader de l'équipe AG2R La Mondiale arrive, à 26 ans, à pleine maturité : dauphin de Christopher Froome à l'issue du Tour 2016, il a réalisé une performance encore plus impressionnante cette année pour défier à nouveau le Britannique, costaud et bien protégé par l'armada Sky. Avec générosité, sans regrets et en acceptant humblement de tirer la leçon du contre-la-montre, sa seule lacune pour avoir toutes ses chances. "3 semaines sur ce #tdf, 1 jour sans. Tellement fière de ton parcours, tu es immense pour moi", tweetait d'ailleurs amoureusement sa compagne Amandine au terme de ce parcours dans la cité phocéenne qui l'a vu abdiquer la deuxième place du classement général et préserver la troisième d'un coup de pédale.
Au lendemain de l'arrivée finale sur les Champs-Elysées, on découvre dans le journal Le Parisien quelques confidences de Philippe Bardet, père de Romain, sur l'homme qu'est son fils.
Le pudique instituteur a vécu toute la course de l'intérieur et a bien pris la mesure du changement de dimension médiatique de Romain Bardet : "On s'est appelés ou vus sur les journées de repos. Et sur cette fin de Tour, je lui parlais davantage devant le bus. C'est l'endroit privilégié. Mais cette année, c'est plus dur car il est extrêmement sollicité quand il descend du bus. Avant, on pouvait parler au village départ", observe-t-il, glissant toutefois qu'ils se voient "beaucoup plus en dehors des courses". Philippe apprécie notamment comme une "chance" ces "moments privilégiés entre un père et son fils" où il accompagne - en scooter - Romain pendant ses sorties d'entraînement : "On a le temps de s'arrêter. On prend un café, puis on repart. Ces échanges sont appréciables." Il devra toutefois patienter un peu avant de renouer avec ces habitudes, puisque son garçon "va s'isoler quelques jours pour se mettre dans une bulle et laisser retomber la pression".
Le paternel n'a pas besoin de beaucoup de mots pour qu'on sente toute l'affection qui a cours dans la famille Bardet. D'ailleurs, quand il décrit Romain comme un homme qui "ne triche pas et reste naturel", il relie aussitôt ce que le grand public peut voir de lui et ce qu'il est dans l'intimité : "Il ne parle pas énormément, mais c'est un grand sentimental. C'est quelqu'un de très proche de sa famille sans avoir à le dire. On ne peut qu'être comblés d'avoir des enfants comme lui et sa soeur, Lisa." Et d'ajouter, avec un certain sens de la formule : "Le but d'une vie, c'est ça. Bien plus qu'un maillot jaune." Cela étant, les deux ne sont pas incompatibles !