Alors que les délibérés du procès d'Harvey Weinstein viennent de commencer à New York, Rose McGowan n'a pas fini de prendre la parole. Elle avait été l'une des premières femmes d'Hollywood à accuser le producteur et a activement participé à le faire tomber. C'est à Paris Match qu'elle a accordé une interview pour revenir sur ce procès, sa carrière – au point mort – et l'exportation du mouvement #MeToo en France.
Rose McGowan ne croit pas au procès Weinstein, elle affirme "qu'il ne sera jamais condamné". En revanche, l'actrice, elle, se sent condamnée. "Hier matin, j'ai fondu en larmes sans raison", raconte-t-elle en rappelant "qu'on ne se libère jamais de son agresseur" : "Je sens encore son sexe sur mon visage." Une condamnation métaphorique, soit, bien qu'elle rappelle qu'elle a été "traînée en justice avant même que Weinstein ne le soit".
Au-delà du prédateur, Rose McGowan dénonce tout le système américain. "Comment comprendre que tout son entourage l'ait protégé à ce point ?", demande-t-elle. Par son témoignage, elle confirme les propos du journaliste Ronan Farrow, celui par qui le scandale a été révélé dans The New Yorker. Dans son livre Les faire taire, il détaille les surveillances répétées par Weinstein dont il a lui-même été la cible. "La machine Weinstein continue d'intimider les victimes", confirme Rose McGowan. "Mon domicile était surveillé, on a retrouvé un traceur sur ma voiture. Mon portefeuille a été volé à deux reprises (...). Il y a même un homme qui s'est présenté comme un journaliste pour une interview, mais qui, en fait, était en mission pour le clan Weinstein", relate l'ancienne actrice de Charmed qui affirme que les 93 victimes ont subi le même traitement.
Pour elle, le cinéma, c'est fini. "Je ne serai plus jamais actrice, dit-elle en rappelant le conservatisme d'Hollywood. Cette affaire a ruiné ma carrière et une partie de ma vie." Mais Rose McGowan reçoit encore beaucoup de soutien, notamment en France. Elle raconte : "J'avais été fascinée, il y a quelque temps à Paris où j'étais présente pour le Comic Con, de voir que les gens qui venaient me faire signer un autographe ne me tendaient pas une photo de moi : ils avaient mon livre en main." Elle s'étonne aussi du nombre de garçons eux aussi victimes d'agressions sexuelles.
La France, justement, et ses douze nominations de Roman Polanski aux César qui lui "donnent envie de prendre un César et de frapper chaque personne qui a voté pour lui". Elle réagit avec véhémence à cette "célébration d'une masculinité triomphante", mais soutient les victimes qui ont osé prendre la parole, à l'instar d'Adèle Haenel : "Elle a eu beaucoup de courage (...) ce qu'on oublie dans ces moments-là, c'est qu'il faut subir des réactions parfois violentes ou déstabilisantes."
Interrogée sur Catherine Deneuve, signataire de la tribune sur "la liberté d'importuner" publiée dans Le Monde le 9 janvier 2018, Rose McGowan reste un peu plus sur ses gardes. "J'adorerais parler avec elle un jour (...), je voudrais comprendre son point de vue et lui expliquer le mien. Comment peut-elle dire que le flirt n'est pas un début de harcèlement ?", dit-elle tout en concédant être "prête à l'écouter".
Mais après tout, si Rose McGowan mène son combat, ce n'est pour qu'une seule raison, "que la vie redevienne ce qu'elle était avant... Mais c'est impossible".