Top Chef Choc des Champions 2014 : Pierre Augé bat Jean Imbert en prolongations

Jean Imbert contre Pierre Augé, le Choc des - plus beaux - champions de Top Chef ! Une semaine après son superbe triomphe face à Thibault Sombardier en finale de la cinquième édition du concours culinaire proposé par M6, le Top Chef 2014 Pierre Augé défiait lundi 28 avril le Top Chef 2012 Jean Imbert, devenu une figure incontournable de la chaîne autant que du monde de la gastronomie de haut vol. Un duel au sommet et en direct entre deux cuisiniers au caractère bien trempé, un choc des styles entre deux passionnés, fougueux et bourrus chacun à sa manière, à la cuisine très racée.

Les talents du tenant du titre du Choc des Champions, Jean Imbert, star décontractée des émissions Norbert et Jean, le défi (avec son complice Norbert Tarayre) et Recette de fou (avec sa compagne la Miss Alexandra Rosenfeld), et du Top Chef flambant neuf, Pierre Augé, auteur d'un parcours éblouissant en 2014 après avoir déjà disputé la finale de la première saison en 2010, étaient promis à rude épreuve : ils devaient s'exprimer à partir des produits les plus consommés par les Français, à savoir tomate en entrée, boeuf et pomme de terre en plat, pomme en dessert. Un défi à la créativité pour un mano a mano explosif entre le chef de L'Acajou, table prisée des stars à Paris, et le maître de la Maison de Petit Pierre à Béziers, habitée par la générosité et l'esprit convivial de son propriétaire.

En 2013, lors du Choc des Champions, Jean Imbert mettait la pâtée à Naoëlle d'Hainaut. Créatif, instinctif, audacieux, obsédé par le visuel et capable de dressages picturaux, avait-il les atouts pour ne faire qu'une bouchée aussi de Pierre Augé, sublimateur de produit, passé maître dans la fusion du terroir et de l'élégance, et à créditer d'énormes progrès dans l'expression graphique de sa cuisine ? Au terme de plusieurs semaines de préparation et de trois heures d'émission, les jurés Thierry Marx, Christian Constant, Jean-François Piège et Ghislaine Arabian remettaient le couvert pour arbitrer, aidés par les téléspectateurs, exceptionnellement invités à distribuer un point lors de chacune des trois manches en votant pour le meilleur visuel. D'ailleurs, ils étaient nombreux aux rendez-vous, puisque 2 847 000 d'entre eux étaient devant M6 pour suivre les débats culinaires, soit 12,5% de part de marché (3e derrière TF1 et France 2) et un score certes loin du pic d'audience de la finale (3,5 millions) mais dans la moyenne haute des performances de la cinquième saison.

Vous avez sauté le dîner ce lundi ? Attachez votre serviette, on refait le menu !

L'entrée dans l'arène

Cette fois, pas d'atelier spacieux, de garde-manger profus, de matériel à perte de vue, de voyage impromptu ni de décor atypique : c'est sur un plateau de télévision que Jean Imbert, qui était juré une semaine plus tôt lors de la finale remportée par son rival du jour, et Pierre Augé devaient en découdre. En plus de la chaleur des fourneaux, celle des projecteurs. Et celle du public, aussi, en particulier celui acquis à la cause du Biterrois. "Je suis très fier, très heureux, mes amis sont là. La vie continue, le restaurant va à fond, on travaille d'arrache-pied. On essaye d'aller de plus en plus loin", confie-t-il après son arrivée. Jean Imbert est-il "rouillé de la compétition", demande Stéphane Rotenberg ? "C'est pas facile de se remettre dans le bain, admet l'intéressé. L'émotion... J'ai la chair de poule, c'est chaud là. Je me sens bien, je sais que Pierre s'est entraîné comme un fou... On s'entend bien."

Les taureaux bouillent dans l'arène, prêts à foncer sur les tomates - rouges ou pas. Cette première épreuve dure trente minutes. "Rendre la tomate du quotidien exceptionnelle", dit le chef Piège, qui rappelle qu'il en existe des milliers de variété et que c'est l'émotion que chaque cuisinier mettra dans son plat qui fera la différence.

Pendant que les duellistes s'échinent en direct sous les yeux du public, on découvre les créations que leur a inspirées la tomate. Pierre a concocté une recette de "Raviole d'eau de tomates green zebra, tartare de tomates et herbes de ma garrigue". Concentré sur le goût de la tomate et la délicatesse du plat, il présente avec passion et précision, pédagogue, la Coeur de boeuf, la Noire de Crimée et la tomate ananas, qui composent son tartare. Pour le dressage, un domaine où il a énormément progressé et où son rival est particulièrement brillant, Pierrot dispose sa raviole au fond de l'assiette. En live, toutefois, il décide de modifier sa recette en changeant de couleur de tomate.

Avec ses "tomates mi-confites aux condiments, caillé de brebis", Jean Imbert décide de revisiter un classique qu'il affectionne : la salade de tomates. Il récupère de l'eau de tomate qu'il mixe avec du fromage de brebis et des cébettes pour obtenir une soupe qu'il agrémentera de croûtons au curcuma. Il prépare par ailleurs une purée d'avocat brûlée, et réserve des fleurs de roquette sauvage pour la présentation finale. Jean-François Piège commente les choix "complexes" de Jean, et notamment son option "avocat brûlé", qu'il faut maîtriser...

Retour au direct. Jean Imbert, chambré par les Sudistes venus soutenir Pierrot, dresse soigneusement en une bande sur une assiette noire, habillée par ailleurs de sa préparation de cubes jaunes. Pierre, concentré autant que possible mais un brin distrait et amusé par ses bruyants aficionados portant le T-Shirt à sa gloire, s'applique quant à lui au-dessus d'assiettes blanches. "Je suis devenu minutieux, je l'ai jamais été", corrige-t-il en entendant les commentaires de Stéphane Rotenberg.

En interlude, Christian Constant présente sa réalisation sur le même thème imposé : soupe de tomates en gelée et oeuf de macaroni, une idée à couper le souffle. Ovation pour le chef Constant, sur le plateau, qui admet qu'il fallait toutefois plus de trente minutes pour réaliser sa préparation, "pas très compliquée" selon lui. Jean-François Piège détaille à son tour sa lecture du sujet, complètement différente, à base de pain de mie et d'une eau de tomate savante. Thierry Marx a pensé à une entrée de tomates très chic : caviar, concassée d'huîtres, jus d'huîtres gélifié composent d'impeccables cubes de tomates...

Au moment du décompte final, sur Twitter, ça chauffe aussi. Alexandra Rosenfeld encourage son chéri Jeam Imbert : "Allez mon amour !" Pierre, lui, reçoit l'appui fervent du nageur perpignanais Camille Lacourt.

L'heure de la dégustation a sonné. Les jurés (et le public) ont face à eux deux assiettes séduisantes, très graphiques, mais très différentes. Appétissant ! Jean reste fidèle à son graphisme stylisé et longiligne, tandis que Pierre a joué sur l'idée de recréer un petit jardin, sa raviole rouge vif, au centre de l'assiette, étant entouré d'herbes. Pour Christian Constant, l'assiette de Jean Imbert est très goûteuse et pleine de finesse. Celle de Pierre est sublime en termes d'assaisonnement, la gelée de tomates est équilibrée, il attribue son vote au candidat de Béziers. Ghislaine Arabian l'imite, pour "l'explosion et le festival de tomates" ; "c'était royal", ajoute-t-elle tandis qu'un premier point va à Pierre (il fallait la majorité des trois jurés - le chef Piège ne votant pas - pour remporter un point). Avec le suffrage de Thierry Marx, Pierre fait l'unanimité du côté des jurés. "On était en plein coeur du produit, c'était de la tomate de A à Z. Mais j'ai pris beaucoup de temps parce que l'assiette de Jean était très créative, très audacieuse", souligne le chef du Sur Mesure, au Mandarin Oriental de Paris.

Un magnéto à la gloire des intervenants dont les jugements ont émaillé la saison 5 de Top Chef (chefs multi-étoilés, inspecteurs, etc.) fait durer le suspense quant à l'épilogue de ce premier acte...

La plat fait de la résistance

"Le boeuf, pour un grand chef, c'est la maîtrise du geste, du feu, du temps", met en exergue Thierry Marx à propos du boeuf. "Talent et créativité" sont pour lui les maîtres-mots pour donner de la valeur à la pomme de terre.

Pour essayer de convaincre les jurés, Jean Imbert a pensé barbecue et purée avec puits pour la pomme de terre. Il saisit une entrecôte de Galice et la pare de beurre, puis réserve et met à cuire ses pommes de terre dans de la braise parfumée au romarin. La peau grillée sera pulvérisée pour servir en poudre, tandis que des peaux fraîches lui permettront de réaliser des tubes - les fameux puits. En plateau, il révèle avoir ajouté un condiment aux anchois. "En même temps, c'est pas facile, tu me parles, Stéphane !", lance le chef de L'Acajou quand le mettre de cérémonie le presse de parler tout en cuisinant.

Du côté de Petit Pierre, on est parti sur un tournedos de boeuf au lard de colonnata et purée en sous-bois. Il revendique "une autre façon de voir" un plat classique, sans trop le changer. L'occasion de faire un cours rapide sur la cuisson de la pomme de terre pour la purée. "Elégant, rigolo, ludique, gourmand" : voilà comment il décrit son plat, qu'il a "envie de manger". "Beaucoup de manipulations, une prise de risque, il engage du produit, il engage du travail", note avec une once de méfiance le chef Marx : "Si on ne prend pas de risque, ça sert à rien d'être là", réagit le challenger, défendant la purée de pommes de terre gratinée de sa grand-mère et le côté "sympa" de sa recette.

Christian Constant, le roi des petits plats traditionnels réinventés, a pour sa part imaginé un hachis parmentier aux allures de millefeuilles. Somptueux.

Pierre démarre son dressage très tôt, travaillant "au millimètre" sa composition et disposant à plat en demidisque sa purée couverte d'un hachis d'herbes.

Séquence "que sais-je" proposée par Stéphane Rotenberg : combien de recettes ont été proposées en cinq saisons de Top Chef ? 1300 !!! Dans le Top 5 des jurés figurent le dos de saumon, marinade mangue papaye de Stéphanie Le Quellec (victorieuse dans Top Chef 2011) ; la bonbonnière de boudin noir aux pommes de Pierre Augé version 2010, réalisé lors d'une épreuve de cuisine pour des enfants ; le carpaccio de salade de fruits de Jean Imbert, oeuvre d'art qui s'est imposée comme un de ses plats signatures ; coppa et oignons en famille de Florent Ladeyn (finaliste Top Chef 2013) ; la salade croquante de calamars de Quentin Bourdy est élue comme le plat le plus marquant de l'aventure. Présent en plateau avec sa chérie Noémie, avec qui la relation est parfois orageuse dans le feu de l'action, il réagit : "Je vous remercie, et en même temps je vous remercie pas parce qu'il va falloir que je la remette à la carte. J'ai encore l''émotion. C'est des grands moments, comme ceux que vit Pierre, qui va gagner parce que c'est un cador."

Le chrono s'achève. Jean se dit "satisfait" et estime avoir pris "beaucoup de risques". Pierre, à côté de lui, semble nerveux et désappointé... "Si, c'est pas trop mal, on va voir", tente-t-il de convaincre Stéphane Rotenberg. Thierry Marx, qui ne participe pas à la dégustation, admire la maîtrise des deux jeunes chefs. Peu amateur de viande, il aurait une préférence naturelle pour l'assiette très graphique de Jean. Très hésitant, Christian Constant salue la cuisson de la viande de Pierre, et relève que l'assiette de Jean était malheureusement froide, son seul bémol. "C'est du boulot de champion", félicite-t-il, avant de sélectionner l'assiette de Pierre. Jean-François Piège fait part de deux surprises : l'entrecôte de Jean témoignait d'une volonté d'apporter de la texture (le craquant, le jus coulant, l'assaisonnement) ; le filet de Pierre était plus attendu, extrêmement bien réalisé ; au final, il choisit "l'assiette d'auteur", celle de Jean. Ghislaine Arabian doit faire la décision : peu amatrice de viande, son "gros, gros problème", elle est sensible aux condiments, à la chapelure de pomme de terre chez Jean, la fraîcheur apportée dans l'assiette de Pierre. Au final, c'est l'assiette qui lui a fait aimer la viande qu'elle désigne : celle de Pierre ! Pierre marque un nouveau point et mène 2 à 0. Quatre points restent à distribuer (le vote des jurés pour le dessert, et les trois points attribués au visuel par le public).

Dessert express : ta-ta-tin...

En guise de trou normand, le bêtisier de Top Chef. Des chutes, des gamelles, des tôles, des glissades. De la sueur. De la chanson - avec la banane. Des prénoms russes. Des plats étouffe-chrétien, ou plutôt étouffe-Constant. Des sursauts. Et des fous rires, évidemment.

Mené au score, Jean Imbert sent visiblement la pression monter au moment d'attaquer le dessert à base de pomme, une épreuve en vingt minutes. De Guillaume Tell à la purée des bébés, Ghislaine Arabian, inspirée, se met à entonner une ode à la pomme, qui se prête à tant de choses, "source infinie d'inspiration" qui "s'apprivoise bien".

Jean a pensé à une Granny Smith reconstituée en surprise façon tatin. Il crée l'illusion de la peau en gélifiant le jus des pelures. "C'est assez délicat, il faut le faire avec amour", remarque-t-il. Avec un caramel à sec, il recrée le pédoncule de la pomme, et travaille une poudre pour fabriquer un chapeau de pomme sur lequel il greffe, à la chaleur, le pédoncule. Une audace et une vision impressionnantes. "Pour l'instant, le risque n'a pas payé, je joue mon va-tout. Je vais tout donner Stéphane, tu sais, je lâche pas l'affaire", commente l'intéressé, sous le regard de son grand complice Norbert Tarayre.

Derrière le titre de "Pomme tatin à ma façon", Pierre a voulu revisiter un grand classique. Si la rosace de pomme en fond d'assiette et le caramel pour la couvrir ne présentent pas de difficulté, il rate sa découpe de caramel lors du tournage. De retour au direct, Stéphane Rotenberg l'asticote un peu sur le sujet : "J'ai réussi une fois, sinon je serais pas là à faire ça", répond de manière musclée et dans un sourire malicieux le candidat. Après la démonstration personnelle de Christian Constant, Jean-François Piège et Thierry Marx, vous reprendrez bien une part de bêtisier, saupoudrée de swag de Christian Constant et de blagues de guest stars ?

Pendant ce temps, Jean Imbert en finit avec sa tarte tatin prise dans une Granny Smith, visiblement confiant dans ce qu'il est en train de produire. Pierre aussi est satisfait du résultat, et a réussi la fine tuile ronde de caramel chapeautant son dessert. Ghislaine Arabian, qui ne vote pas sur cette épreuve, se prononce sans hésitation en faveur du dessert en trompe-l'oeil de Jean, qui l'a "bluffée", tandis que ses compères jurés dégustent. "C'est des bons desserts, même visuellement ils donnaient envie, il y a un dessert un peu trop sucré à mon goût et l'autre en cru-cuit, intéressant", détaille le chef Constant avant de donner sa voix à Jean Imbert. Thierry Marx, qui admire le "numéro d'équilibriste" du dessert de Jean, regrette le côté "astringent" de la pomme verte choisie, s'oriente plutôt vers la pomme de Pierre Augé. Jean-François Piège, dont la tarte aux pommes est le dessert favori, donne sa préférence à Jean en raison de l'épaisseur de la tuile de caramel de Pierre. Jean Imbert revient à 2 à 1 en attendant le vote du public.

Y a du rab !

Avec le premier vote du public, concernant le dessert, Jean, vainqueur à 58%, égalise à 2 partout. Avec le vote sur le plat, il prend l'avantage pour 1% (51 à 49). Avec le vote sur l'entrée, Pierre, préféré à une large majorité (67%), revient à sa hauteur ! 3 partout !

Pour la dernière fois en 2014, les quatre jurés de Top Chef doivent décider de l'issue du concours. Par la voix du chef Piège, ils annoncent : "Aujourd'hui, on a deux très grands cuisiniers, notre vote a été de deux voix pour un cuisinier, une voix pour l'autre. On a choisi Pierre." La Team Pierrot envahit la plateau !

Vainqueur du Choc de 2014, Pierre Augé est le nouveau champion des champions de Top Chef !

G.J.

N.B. : Une bonne nouvelle en guise de mignardise : c'est officiel depuis peu, Top Chef reviendra pour une saison 6 en 2015 ! Réservez votre table !