Nabil Ayouch a abordé un sujet délicat avec son nouveau film, Much Loved, mais le cinéaste franco-marocain ne s'attendait pas à un tel scandale. Son long métrage est interdit de diffusion au Maroc et le metteur en scène a reçu des menaces de mort, tout comme les actrices du film.
L'histoire de Much Loved : Marrakech aujourd'hui. Noha, Randa, Soukaina, Hlima et les autres vivent d'amours tarifés. Ce sont des putes, des objets de désir. Les chairs se montrent, les corps s'exhibent et s'excitent, l'argent circule aux rythmes des plaisirs et des humiliations subies. Mais joyeuses et complices, dignes et émancipées dans leur royaume de femmes, elles surmontent la violence d'une société marocaine qui les utilise tout en les condamnant.
Le Ministère de la Communication marocain a annoncé, lundi 25 mai, après la projection de Much loved au Festival de Cannes, l'interdiction de diffusion dans son pays, estimant que le film est "un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l'image du royaume". Sur les réseaux sociaux, des pétitions circulent contre ce long métrage et des extrémistes s'appuient sur des scènes "dérangeantes" du film pour crier au scandale. Ainsi, Libération indique que, "depuis dimanche, ce ne sont plus six minutes d'extraits qui font polémique, mais trois heures quarante de rushs qui ont mystérieusement atterri sur le Web marocain. Cette version, qui contient, elle, des scènes de sexe crues non montées dans le film prévu en salles, ont été regardées en trois jours par près de 300 000 personnes".
Les frères Dardenne, Arnaud Desplechin, Costa-Gavras, Riad Sattouf, Pascale Ferran, Michel Hazanavicius et quatre-vingt cinéastes et producteurs ont manifesté leur soutien : "Cette interdiction encourage les pires attaques des courants conservateurs marocains envers le film, Nabil Ayouch et Loubna Abidar faisant l'objet de menaces de mort sur les réseaux sociaux (...) De toute évidence, ce film sur le milieu de la prostitution à Marrakech montre une réalité que les autorités marocaines refusent de regarder en face. Pourtant, cette réalité niée ne sera modifiée en rien par cet acte de censure délibérée." La Guile des scénaristes ainsi que la Société des réalisateurs de films soutiennent également cette oeuvre.
Nabil Ayouch avait déjà fait polémique au Maroc en 2012 rappelle Les Inrocks, avec le film Les Chevaux de Dieu. Sa vision des cinq attentats-suicides ayant eu lieu à Casablanca en mai 2003 et de l'Islam radical avaient fait débat. Le réalisateur espère que les tribunaux lui rendront justice, comme le rapporte Libération : "Le Maroc est un Etat de droit, des lois existent, il faut que le ministère de la Communication soit le premier à les respecter."