Pour des Européens non scandinaves, son nom est malaisé à prononcer, mais les tubes qu'il façonna avec son compère Benny Anderson et que tous deux interprétèrent avec leurs blondes respectives se sont, eux, incrustés avec une facilité édifiante dans toutes les mémoires : à 66 ans, Björn Ulvaeus, homme fort et phare du groupe Abba, n'a certes plus l'âge de porter des pantalons moulants anachroniques et de se dandiner en rythme en égrenant les classiques Waterloo et consorts, mais représente un imposant âge d'or... non encore révolu.
Car Björn, s'il a conservé une indéniable prestance, a eu le talent de donner depuis les coulisses de l'industrie du divertissement un souffle nouveau à l'épopée Abba : un revival aux allures de raz-de-marée nommé Mamma Mia!. Le film musical, puis le musical tirés avec sa collaboration du répertoire anthologique d'Abba ont connu un tel succès et se sont si bien exportés que la déclinaison en spectacle de la carrière du groupe a déjà surpassé sa propre longévité : Björn, Benny, Agnetha (Fältskog) et Anni-Frid (Lyngstad) ont changé activement la face de la musique durant une décennie (1972-1982) ; Mamma Mia!, créé originellement en 1999, a franchi ce cap.
Il faut croire que, dès 1983, Benny et Björn, les inséparables (récompensés conjointement par le Special International Ivor Novello Award il y a quelques années), avaient la bonne intuition en se tournant vers l'écriture de musique pour film et pour la scène tandis que leurs ex-compagnes embrassaient une carrière solo. Et après les coups d'essai remarqués Chess (1984) et Kristina från Duvemåla (1996), la troisième incursion dans la sphère du musical sera la bonne.
Le tourbillon Abba, fait exceptionnel, a traversé le temps pour enfiévrer le troisième millénaire. Et Björn, lui, comment vit-il cette résurgence ? Caroline Franc, auteure du blog Pensées de Ronde, est allée chercher la réponse dans l'antre du maestro : à Stockholm. Une expédition périlleuse, le trac au ventre mais les bons mots plein la bouche, filmée par les équipes d'Off TV pour Universal...
6 heures d'avion, 1 600 kilomètres, 1 nuit blanche, 1 passeport perdu (puis retrouvé), 7 rollmops, 3 heures de prépa, -6°C, 11 litres de thé vert, 82 SMS et même le taux de conversion de la couronne : vous y voilà, vous êtes dans la paire de UGG de la sympathique Caroline Franc, "terrorisée" et croulant sous le poids des 400 millions d'albums vendus, à quelques instants de sa rencontre avec l'idole suédoise. Quelques semaines après avoir été à la rencontre de la troupe du musical plébiscité Mamma Mia! à Mogador, elle débarque crânement - mais dans ses petits souliers, tout UGG soient-ils - à Stockholm, confrontant sa récente existence de blogueuse au mythe scandinave. L'occasion, aussi, de vérifier que les troubles de la mémoire à long terme dont fut affecté Björn n'ont pas effacé toute sa success story. Pas étonnant que le début de la vidéo, très plaisante à regarder de bout en bout, commence au son de "I had a dream". Une rencontre rare.
Et avec le leitmotiv abbaesque "vivre ses rêves plutôt que rêver sa vie" dans la musette, tout ne peut que bien se passer.