À quelques jours de la cérémonie des Césars, Adèle Haenel s'est entretenue avec le New York Times pour la première fois depuis son interview avec Mediapart, en novembre 2019.
"Je ne me sentais pas prête à la partager au moment où #MeToo a émergé. J'ai mis du temps à faire le parcours personnel qui m'a permis de me placer comme victime", déclare Adèle Haenel tout de go quand on lui demande pourquoi elle n'a pas profité de la libération de la parole pour témoigner contre son agresseur. "Je fais partie du milieu du cinéma, mais aujourd'hui, je veux rencontrer des femmes d'autres milieux, dans la recherche, dans le monde associatif. J'ai reçu énormément de lettres manuscrites, de messages, de mails, majoritairement de femmes, mais aussi de garçons, victimes ou non, qui avaient été touchés par le témoignage et qui m'ont fait réaliser le manque de récits médiatiques de victimes de violences sexuelles en France", continue l'actrice.
Alors qu'au même moment, Harvey Weinstein vient d'être reconnu coupable d'un acte sexuel criminel au premier degré sur Miriam Haleyi et du viol au troisième degré de la coiffeuse Jessica Mann, impossible de ne pas évoquer l'impact de #MeToo en France. "La France est l'un des pays où le mouvement a été le plus suivi sur les médias sociaux, mais d'un point de vue politique et médiatique, la France a complètement raté le coche", affirme Adèle Haenel. Elle estime que "beaucoup d'artistes ont confondu, ou voulu confondre le jeu sexuel et l'agression" et rappelle qu'il a même été débattu de "la question de la liberté d'importuner et le prétendu puritanisme des féministes". Qu'on ne s'y trompe pourtant pas : "Une agression sexuelle, c'est une agression, pas une pratique libertine."
Pour rappel, Adèle Haenel, aujourd'hui âgée de 31 ans, accuse le réalisateur Christophe Ruggia, qui lui avait fait tourner son tout premier film intitulé Les Diables en 2002, "d'attouchements" et de "harcèlement sexuel". Elle était alors adolescente et avait entre 12 et 15 ans au moment des faits supposés lorsqu'elle incarnait pour le film le personnage de Chloé.
Trois jours après l'enquête publiée par Mediapart, le réalisateur Christophe Ruggia était sorti du silence. Il évoquait avoir "commis l'erreur de jouer les pygmalions avec les malentendus et les entraves qu'une telle posture suscite" demandant à l'actrice de lui "pardonner".
Alors qu'elle avait d'abord décidé de ne pas porter plainte, Adèle Haenel a été entendue par les enquêteurs dans les locaux de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), à Nanterre mardi 26 novembre 2019. Elle déclare s'engager "activement dans cette procédure, considérant qu'il est de sa responsabilité de justiciable comme de personnalité publique d'y prendre part, au regard de la gravité des faits dénoncés et des conséquences pour chacun".
Rappelons que Christophe Ruggia est présumé innocent jusqu'à la clôture définitive du dossier.