C'est un constat de plus en plus alarmant. Si la situation des femmes dans le cinéma tend à s'améliorer – on en veut pour preuves le nombre de réalisatrices ou de rôles féminins forts –, ces avancées ne concernent pas toutes les comédiennes. Dans un court dossier publié dans L'Express, Christophe Carrière évoque le cas des quinquagénaires, ces actrices de 50 ans et plus qui se font de plus en plus rares à l'écran, pas nécessairement de leur propre chef, mais parce que les bons rôles sont rares voire inexistants.
Sur 200 films français sortis en 2015, seuls 3 % des 2897 rôles recensés ont été attribués à des femmes de plus de 50 ans, nous dit L'Express, faisant écho au film Aurore, une comédie (qui sortira le 26 avril prochain) de Blandine Lenoir traitant justement du passage de la cinquantaine et porté par Agnès Jaoui. Si l'actrice, réalisatrice et scénariste semble faire partie de cette petite élite d'actrices telles que Juliette Binoche ou Catherine Frot, c'est un arbre qui cache la forêt. A l'instar de ces dernières, il lui faut continuer à tourner ou à jouer, sans relâche. En somme, si vous ralentissez la cadence à cet âge-là, c'est déjà mettre un pied dans la tombe. "On oublie vite celles qui bossent moins", déplore Agnès Jaoui, qui a déjà été confrontée à ce genre de constat quand elle réalise un film.
Car ces actrices de 50 ans ne sont pas la chair fraîche qu'une bonne partie des producteurs recherchent. Si pour les hommes, il est assez simple de trouver des rôles, les femmes doivent se battre et parfois en arriver à avoir recours à la chirurgie esthétique pour contrer le temps et continuer à travailler. "Ils vous recommandent fermement de vous refaire le nez, de vous limer les dents, de rehausser vos seins, raconte Agnès Jaoui. On n'est rien d'autre que des produits périssables. A nous de prouver le contraire."
La complice de Jean-Pierre Bacri a donc refusé de se soumettre à ce diktat. À l'inverse de Nathalie Baye, ce qui est, toute proportion gardée, un acte tout aussi courageux. "Elle a résisté autant qu'elle pouvait, mais, au bout d'un moment, entre avoir des rides et ne pas travailler, et avoir un visage un peu plus lisse et bosser, elle a été obligée de choisir", cite Tessa Volkine, une actrice qui copréside l'AAFA (Actrices et acteurs de France associés). Pour elle, "dans l'inconscient collectif, à partir du moment où la femme est ménopausée, elle n'est plus bandante, ne peut plus faire d'enfants", elle ne sert plus à grand-chose. "Ce n'est pas qu'on ne la regarde plus, mais on ne la voit plus", surenchérit-elle.
Si on devait se "rassurer", on dirait que la situation à Hollywood est encore pire. "Elles nous envient, assure Jaoui. Elles n'ont pas d'autre choix. Même quelqu'un comme Meryl Streep. Dans Florence Foster Jenkins, face à Hugh Grant qui a les dents d'un homme de son âge, pas vraiment blanches, Meryl Streep affiche des dents de jeune fille bien alignées. Grant paraît plus âgé qu'elle !"
Dossier à retrouver en intégralité dans L'Express N°3429 en kiosques depuis le 22 mars.