Un sourire éclatant, une allure élégante, un regard profond : Aïssa Maïga est incroyablement séduisante. Comme son personnage dans la comédie Il a déjà tes yeux, Sali, dont elle est venue parler au micro de Purepeople. La rencontre démarre sur le film et se poursuit sur des sujets aussi variés que la famille et le temps qui passe.
Je suis très ancrée dans le réel
Le pitch – un couple noir qui adopte un bébé blanc – est audacieux. Mais il n'aurait pas suffi à lui seul à la réussite du film qui repose aussi sur le personnage de Sali : "Je suis tombée amoureuse de mon personnage. C'est une femme forte, hyper amoureuse, qui est épanouie malgré l'impossibilité de faire un enfant. J'y ai cru, j'ai eu envie de l'incarner."
Pour incarner cette héroïne solide et pragmatique au côté de son mari un peu naïf, voire "ingénu", Aïssa Maïga s'est inspirée de celle qu'on peut aujourd'hui qualifier d'icône, Michelle Obama : "Barack Obama a dit un jour : 'She s the rock of my life' ["elle est le pilier de ma vie", NDLR] et je me suis dit Sali, c'est ça." Plus on discute avec elle, plus on trouve des ressemblance entre la jolie comédienne et son personnage, ce qu'elle ne réfute pas : "J'aime la réalité, le quotidien. Il y a des acteurs qui ont du mal avec ça et ont besoin des rôles pour s'évader mais pas moi, je suis très ancrée dans le réel même s'il y a une partie de la réalité avec laquelle j'ai du mal."
Mes référents sont multiples
La réalité d'Aïssa Maïga est celle d'une comédienne sereine et épanouie, maman de deux garçons adolescents, mais aussi celle d'une enfant qui a perdu son père, célèbre journaliste malien et proche de Thomas Sankara, Mohamed Maïga, disparu dans des circonstances troubles quand elle était enfant. Élevée par son oncle et sa tante, elle connaît ainsi de près la question de l'adoption, même si la sienne s'est faite au sein de sa famille : "Mon père est mort quand j'avais 8 ans et j'avais une famille formidable. Je ne suis pas passée par l'aide sociale, ni dans un orphelinat, j'ai connu ce dont on parle dans le film, la kafala [adoption par des proches, spécifique au droit musulman, NDLR]. J'ai une mère qui est là, elle est arrivée bien plus tard, et un père qui était aussi là du fait de son leg, de son héritage. En même temps, j'ai eu ma tante, mon oncle, une grand-mère adoptive. Mes référents sont multiples et cela a construit ma conception de la famille."
Je n'affronte pas le temps, je l'habite
Son parcours familial lui a aussi appris à relativiser et à vivre avec l'irrémédiable. Car si elle ne semble pas avoir changé physiquement depuis que l'on a croisé son chemin dans Les Poupées russes et Bamako, on aime sa maturité philosophique : "La notion du temps qui passe m'est apparue au moment de la mort de mon père. Je ne dis pas ça pour faire pleurer dans les chaumières, mais je me souviens de ce moment où j'ai ressenti ce qu'était physiquement le temps, ce qu'il vous fait perdre de façon irrémédiable." Elle savoure aujourd'hui tout ce qui lui fait gagner en expérience, qui la fait grandir. Refuser de se laisser écraser par les normes qu'on nous impose n'est pas aisé, même quand on en a conscience comme Aïssa Maïga : " J'ai fait un film en Afrique du Sud, on m'a sorti un jean dans lequel je me trouvais tellement grosse. Tout le monde trouvait ça super, en Afrique du Sud, les femmes n'ont aucun problème à être moulées dans leurs vêtements. Et le réalisateur était choqué, il m'a dit : 'Mais c'est ta féminité.'" Accepter de changer et de vieillir ne signifie pas ne pas accueillir la jeunesse, la nouveauté : "Pour moi, ça ne s'oppose pas du tout car il n'est que question du temps qu'on traverse. Je n'affronte pas le temps, je l'habite."
À 41 ans, Aïssa Maïga se sent plus prête que jamais à transmettre ce qu'elle a acquis au fil des années : "Je commence à vraiment bien me connaître et je me sens disponible pour les autres. Je ne suis pas un modèle car il n'y a pas de formule, je n'ai de parole de vérité, mais je peux avoir un point de vue sur mon parcours. Et le donner pour établir un dialogue et aider de jeunes actrices."
Il a déjà tes yeux, en salles le 18 janvier