Samedi 19 janvier, le monde l'art se réveille avec une bien triste nouvelle : la célèbre designeuse française Andrée Putman n'est plus. Admirée et respectée aux quatre coins du globe pour son style sobre et élégant, l'architecte d'intérieur s'est éteinte à l'âge de 87 ans à son domicile parisien.
Il y a un an à peine, cette "grande dame habitée d'une vraie utopie", comme l'a évoqué l'ancien ministre Jack Lang, était mise à l'honneur par la ville de Paris lors d'une exposition rétrospective sur l'ensemble de sa très belle carrière et honorant son immense talent. "C'est une ambassadrice du style à la française que notre pays perd aujourd'hui," a réagi samedi le maire de la capitale, Bertrand Delanoë.
Née à Paris en 1925 dans une famille bourgeoise, Andrée Putman verra sa vie bouleversée par un grave accident de vélo presque fatal et dont elle tirera son maintien très particulier mais surtout sa soif de liberté et d'indépendance. C'est à partir de ce moment que la future star du mobilier s'émancipe d'une carrière musicale pesante et de l'apparente sécurité offerte par son milieu très aisé.
Elle commence alors à collaborer avec une poignée de magazines dont Elle et la prestigieuse revue d'art L'Œil. A la fin des années 50, elle épouse le collectionneur, éditeur et critique d'art, Jacques Putman, une union dont seront issus deux enfants Olivia et Cyrille. Motivée par son envie de rendre l'art accessible au plus grand nombre, Andrée Putman devient styliste pour les magasins Prisunic, avant de fonder Créateurs et Industriels, une société orientée vers le développement du prêt-à-porter et du textile.
C'est grâce à cette dernière que seront repérés quelques futurs grands noms de la mode internationale, dont Thierry Mugler, Issey Miyake et Jean-Charles de Castelbajac, entre autres. Ce dernier s'est d'ailleurs déclaré particulièrement attristé par la disparition de celle qu'il considère comme sa "deuxième maman" : "Andrée Putman était la Jeanne d'Arc du design. Il y avait du génie et de l'héroïsme dans son travail. Elle était l'héritière du Bauhaus, dans la lignée d'Eilen Gray [designer irlandaise, NDLR] et d'autres grandes femmes créatrices qui ont fait aussi ce que la condition de la femme est aujourd'hui, a-t-il déclaré à l'AFP. Il y avait une dimension visionnaire dans son oeuvre qui est aujourd'hui un style à part entière, autour du noir et blanc."
Ce n'est néanmoins qu'en 1984, année où elle emménage l'Hotel Morgans à New York, que la carrière d'Andrée Putman explose. Et pour cause, avec peu de moyens, la styliste parvient à mêler sobriété et luxe, une patte qui sera respectée dans le monde entier. Sa notoriété dépassera désormais les frontières, et l'on réclamera ses services pour designer aussi bien des bureaux ministériels (et en particulier celui de Jack Lang, alors ministre de la Culture de François Mitterrand) que des boutiques de mode très chic (Balenciaga, Lagerfeld, Azzedine Alaïa...).
En 1977, Andrée Putman crée le Studio Putman - repris par sa fille Olivia en 2007 -, consécration de ses longues années de travail acharné, qui remportera de nombreux prestigieux projets tels que la réalisation de l'hôtel Pershing Hall sur les Champs-Élysées ou encore la rénovation de l'espace Guerlain, également situé sur la plus belle avenue du monde. "Elle était l'harmonie même et elle savait la créer autour d'elle, a souligné Jack Lang après l'annonce de sa disparition. Si nous étions au Japon, elle aurait été depuis longtemps reconnue Trésor national." Un Trésor qui s'en est allé...