L'écrivaine et féministe Benoîte Groult est morte dans la nuit de lundi à mardi 21 juin à l'âge de 96 ans. "Elle morte dans son sommeil comme elle l'a voulu, sans souffrir", a indiqué Blandine de Caunes, l'une de ses trois filles à l'AFP. La romancière a rendu son dernier souffle à Hyères, dans le Var, où elle résidait. "Elle a eu une tellement belle vie, poursuit sa fille. Il y a le choc de la mort, mais c'est mieux ainsi car elle n'allait pas très bien."
Benoîte Groult s'était fait connaître en 1975 avec son essai féministe Ainsi soit-elle. Elle fut la première en France à dénoncer l'excision. Son combat féministe s'est exprimé dans ses livres mais aussi dans le monde de la presse : elle a notamment écrit pour Elle, Libération et Marie-Claire et, en 1978, elle créait le mensuel féministe F Magazine avec Claude Servan-Schreiber. Dans les années 1980, elle est présidente de la Commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions, et membre du jury Femina. Elle s'engage également auprès de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
Côté coeur, Benoîte s'est mariée à quatre reprises. Ses deux premiers maris sont décédés prématurément. Avec le troisième, Georges de Caunes, elle a deux filles : Blandine et Lison. Il épouse ensuite Jacqueline Joubert qui lui donnera un fils, le célèbre Antoine de Caunes. En quatrième noces, Benoîte épouse le romancier Paul Guimard et elle donne naissance à sa troisième fille : Constance.
L'oeuvre de Benoîte Groult a donné lieu à de nombreux documentaires ainsi qu'à une BD, Ainsi soit Benoîte Groult, par Catel en 2013. "Je ne suis née à moi-même que vers 35 ans", avait-elle l'habitude dire. Sa vocation pour l'écriture est en effet tardive. Ce n'est qu'à l'âge de 38 ans qu'elle publie pour la première fois. Elle écrit d'abord à quatre mains avec sa soeur Flora Groult, décédée en 2001 d'une crise cardiaque. En 1972, Benoîte publie son premier roman en solo : La Part des choses. S'ensuit son essai sur la condition féminine qui l'a rendue célèbre. "Je me sentais une citoyenne de seconde zone, absente au monde et j'ai effectivement mis du temps à me réveiller", disait-elle selon l'AFP. En raison de cette notoriété soudaine, elle ne cachait pas être "devenue la féministe de service".
Selon ses propres mots, elle s'est "construite de livre en livre", publiant plusieurs romans, comme Les Vaisseaux du coeur en 1988, et essais. Son autobiographie, intitulée Mon évasion, paraît chez Grasset en 2008. Elle publie enfin une biographie d'Olympe de Gouges (1748-1793), considérée comme l'une des pionnières du féminisme français, en 2013.
Née le 31 janvier 1920 à Paris, Benoîte Groult est issue d'un milieu mondain : son père était décorateur et sa mère, costumière de théâtre, était la soeur du couturier Paul Poiret. Après ses études de lettres, la future écrivaine a enseigné au Cours Bossuet. Si elle a débuté tardivement "son évasion", elle est restée jusqu'au bout d'une grande modernité. En 2014, elle parlait encore IVG, Femen et plaisir féminin avec Cheek Magazine, confiant à propos de la Manif pour tous : "C'était minable, Ça fait froid dans le dos qu'on puisse dire des choses pareilles, mais voir jusqu'où on peut descendre dans des pays libres, ça renforce le goût de la liberté."
À propos de la mort, elle écrivait dans son autobiographie : "Tant que je saurai où demeurer, tant que je serai accueillie en arrivant par le sourire de mes jardins, tant que j'éprouverai si fort le goût de revenir et non celui de fuir ; tant que la terre n'aura perdu aucune de ses couleurs, ni la mer de sa chère amertume, ni les hommes de leur étrangeté, ni l'écriture et la lecture de leurs attraits ; tant que mes enfants me ramèneront aux racines de l'amour, la mort ne pourra que se taire. Moi vivante, elle ne parviendra pas à m'atteindre."