Visage fermé, hâlé et légèrement amaigri, Christophe Galtier a fait le déplacement du Qatar, où l'entraîneur de 57 ans dirige désormais l'équipe d'Al-Duhail, pour se présenter devant le tribunal correctionnel de Nice vendredi 15 décembre 2023 comme l'a rapporté l'AFP. Un rendez-vous judiciaire qui avait été fixé il y a plusieurs mois. Il est accusé de harcèlement et de discrimination mais aucun des autres acteurs du dossier n'était présent.
Pendant huit heures, l'ancien coach du PSG, passé par Nice lors de la saison 2021-22, est resté debout à la barre, écoutant sans broncher la lecture fastidieuse des éléments saillants des procès-verbaux de la trentaine d'auditions réalisées dans ce dossier. Le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, a relevé dans ces éléments une "obsession" de Christophe Galtier sur le ramadan, le mois de jeûn musulman, "instrumentalisé" pour "chercher à diminuer le nombre de noirs et de musulmans dans l'équipe".
Evoquant "un fond de racisme ordinaire sur lequel M. Galtier n'est pas tout à fait lucide", le procureur de la République de Nice a requis 12 mois de prison avec sursis, l'amende maximale de 45 000 euros et la peine automatique de trois ans d'inéligibilité. Le jugement a été mis en délibéré à jeudi prochain à 15h30.
L'affaire avait commencé en avril avec la révélation par des journalistes d'un courriel accusateur de mai 2022 de Julien Fournier, alors directeur général du club, à l'attention de l'actionnaire Ineos. Dans ce courriel, dont de longs passages ont été lus à l'audience, Julien Fournier rapportait un échange d'août 2021, où Christophe Galtier lui aurait dit, après avoir été pris à partie par des Niçois la veille au restaurant, que l'équipe comptait "trop de noirs et de musulmans".
A la barre, l'entraîneur a raconté avoir été effectivement interpellé au restaurant, avec "des propos racistes", et avoir fait part de sa surprise le lendemain à plusieurs membres de longue date du staff niçois, dont Julien Fournier. De même, le courriel évoque des échanges à l'occasion du ramadan, en avril 2022, où Christophe Galtier aurait fait pression sur les joueurs musulmans pour qu'ils suspendent leur jeûne les jours de match. C'est ce que faisaient les joueurs musulmans à Lille sa saison précédente, dont plusieurs lui ont apporté leur soutien au printemps.
Cité par la défense, le Dr Hakim Chalabi, spécialiste du sport de très haut niveau et directeur médical du PSG, a expliqué que le ramadan provoquait une baisse de 30% des performances physiologiques et des risques de blessures, s'il était mal géré. Certes, l'enquête a montré que les joueurs observant le jeûne n'avaient pas été écartés du terrain. Mais pour le procureur, "c'est un faux sujet. Entraver, c'est dire au joueur: 'si tu ne manges pas, tu ne joues pas'. Quand on est dans ce chantage, on est dans l'entrave", même si le joueur n'a pas obtempéré.
Dans les PV d'auditions, de nombreux responsables du club niçois et d'Ineos ont insisté sur les relations exécrables entre Julien Fournier et Christophe Galtier. Plusieurs joueurs interrogés pendant l'enquête ont eux évoqué un climat discriminatoire et raciste, des "bruits de couloirs", tout en reconnaissant n'avoir jamais été directement témoins ou victimes.
Julien Fournier et certains de ses proches ont en revanche rapporté avoir entendu des propos litigieux, comme quand Christophe Galtier aurait traité Jean-Clair Todibo de "salafiste" qui allait "venir tirer sur tout le monde". "C'est terrible de sortir de tels mensonges !", s'est emporté l'ex-entraîneur niçois à la barre.
Pour d'autres propos, Christophe Galtier a assuré qu'ils avaient été déformés ou mal compris. Ainsi, s'il s'est bien indigné de voir Todibo un matin à 10h22 "en tenue traditionnelle", c'est qu'il était fâché de voir le joueur arriver en retard et pas en tenue d'entraînement. Et s'il a bien qualifié devant ses joueurs deux défenseurs noirs adverses de "King Kong", c'était pour évoquer "la force et la puissance", a expliqué Galtier, assurant qu'il avait utilisé le même mot peu après pour parler du défenseur nantais Nicolas Pallois, un joueur blanc. "Dans le contexte de l'hypersensibilité, des bananes, des cris de singes, comment peut-on imaginer que ces propos ne vont pas faire mal ?", a répliqué le procureur.
Mais pour la défense, même si Christophe Galtier a pu "manquer de diplomatie", les propos colportés par le "psychopathe" Julien Fournier et ses proches pour "monter les uns contre les autres et fabriquer la calomnie" ne constituent pas du harcèlement : "Il faut une répétition. Elle est où ? Et contre qui ?", a interrogé Me Sébastien Schapiro, l'un des avocats de Christophe Galtier.
Christophe Galtier reste présumé innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu'au jugement définitif de cette affaire.