
Dix secondes. C’est le temps qu’il a fallu pour faire vaciller une vie. En tombant du toit d’un chalet après une soirée arrosée, Sylvain Tesson, habitué à frôler le vide volontairement lors de ses expéditions, a cette fois été pris de court. Dix mètres de chute, 26 fractures, un visage à jamais marqué et un coma artificiel de plusieurs jours : ce jour-là, Sylvain Tesson a cru voir sa vie basculer. Ce n’est pourtant pas ce bilan médical qui l’a le plus bouleversé, mais le réveil dans un corps qu’il ne reconnaissait plus.
Dix ans plus tard, il revient sur cette épreuve qui l’a transformé physiquement et intérieurement dans une entrevue avec Laurent Delahousse pour son émission 20 h 30 Le Dimanche sur France 2, révélant comment il s’est relevé grâce à l’action, la beauté et l’oubli. Un témoignage saisissant d’un homme qui a choisi de continuer malgré les failles. "Je suis devenu cubiste", lâche-t-il avec une ironie teintée d’amertume. "C’est horrible de se réveiller avec une disgrâce du visage et de s’apercevoir que vous allez côtoyer toujours un monstre qui est vous-même." Une phrase d’une dureté rare, à l’image de cette introspection à laquelle il se livre.
"Heureusement je ne m’étais pas endormi avec celle d’Apollon, mais je me suis quand même réveillé avec la gueule de Picasso", plaisante-t-il malgré la dureté de ses propos. Pourtant, l’auteur de La Panthère des neiges refuse de se laisser définir par son accident. Plutôt que de sombrer dans l’aigreur ou la plainte, Sylvain Tesson a choisi le mouvement. "J’ai trouvé un remède à tous ces malheurs : me jeter à corps perdu dans la contemplation très simple de la beauté, par la marche, le bivouac, l’alpinisme."

Là où d’autres auraient vu un point final, lui a tracé un nouveau départ. Loin de la tentation de s’enfermer dans son propre malheur, il a trouvé un palliatif : "Il y a un moment où tous les malheurs qui vous incombent il faut un moment les chasser et les oublier. Car si on n’oublie pas, on clapote et si on clapote on s’amertume et si on s’amertume on devient une méduse" assène-t-il. Son corps marqué est devenu le compagnon d’une nouvelle quête intérieure. "Il ne faut pas constituer son identité par son malheur", prévient-il. Un principe qu’il applique à la lettre en continuant de courir "les falaises, les forêts et les littoraux".
Un beau parcours de reconstruction dans lequel l’amour tient aussi une place essentielle. Depuis 2022, Sylvain Tesson partage sa vie avec Catherine Van Offelen, une intellectuelle belge de 33 ans rencontrée lors du vernissage d’une amie. Un coup de foudre immédiat. "Je n’ai pas regardé les œuvres. Je n’avais d’yeux que pour sa visiteuse" avait-il confié à Gala. Ensemble, ils cultivent un quotidien hors du tumulte, fait de lectures et d’escalades.