Un beau jour, un sticker a mystérieusement atterri sur un bureau de la rédaction de Purepeople.com. Un bandeau presque discret quoiqu'en capitales, blanc et rouge sur noir. Providentiel ? Provocateur ? Passé l'effet de surprise et la méditation moite et fébrile, la colle du verso excitant le bout des doigts alors qu'on se demande : "Mais où vais-je coller ce truc cool et sexy ?", vient la question cruciale : "Au fait, c'est quoi ?"
"SEX IS FASHION", pouvait-on y lire. Un leitmotiv plutôt aguicheur, flanqué d'une adresse MySpace conduisant vers l'étrange tambouille relevée de Curry & Coco, un tandem bien français à la musique aussi jobarde que ses auteurs sont potaches.
Encart tombé des Inrocks ou bien vestige catchy envolé d'un portant de Fashion Week ? Après investigation, les deux, mon capitaine ! Car les premiers ont consacré le duo bien assaisonné via leur poll CQFD et l'ont intégré à la tournée FAIR (qui fête ses 20 ans et se produit en démo pour cette Fête de la Musique place Denfert-Rochereau, à Paris), tandis que la seconde a mis à l'honneur ces trublions adulés de Jean-Charles de Castelbajac en s'appropriant le track Sex is fashion, titre de leur premier EP et piste figurant sur leur premier album paru au mois d'avril : We are beauty.
"Que les filles dansent, que les mecs reprennent une bière, et l'inverse"
Ne vous laissez pas piéger par ce postulat aux faux airs de prétention et à l'aspect aussi lisse qu'après le passage du dernier Remington. Si vous ne deviez associer qu'une image à ce titre pompeux, ou arty, ou culotté (c'est selon...), ce serait celle-ci, sur laquelle s'achève la présentation promo de l'album : "CURRY & COCO, c'est un peu comme boire du champagne dans un PMU : on ne peut faire ça qu'avec son meilleur ami".
En somme, il n'y a pas que beauty au programme : Curry & Coco balance sa "Pop de Danse" en schizo désopilée, version beauty... and the beast. Si on leur promettait des torrents de sueur et de bière, rien ne pourrait les contenter davantage, surtout après avoir passé trois semaines à Londres avec David Kosten (également de mèche avec Bat for Lashes) pour élaborer ce premier effort dans une ambiance "vestiaire après le match" : "On a fait nos armes sur scène, seule vérité qui compte. Notre musique est faite pour que les filles dansent, que les mecs reprennent une bière, et l'inverse. Notre mission, c'est de passer chaque soir la meilleure soirée de notre vie, et on est plutôt du genre à faire ça façon bagarre !"
De la pop on top, décomplexée, fashion (ou pas ?) et transpirante
Effectivement, la transe commence dans la violence : invectivés par une voix furax et possiblement en proie à des hallu, on dérape dans Who's next, entrée en matière qui vous empoigne par le colback pour vous jeter sur le dancefloor, une grenade punk à la binarité brute et au bouclage hypnotique dans la bouche. Top of the pop porte les stigmates de sa genèse (chanson écrite dans un sous-sol humide et mal éclairé), et les synthés bourdonnent comme des néons faiblards, jusqu'à ce que l'irrésistible refrain, digne du meilleur générique télé des années 1980, surgisse de la pénombre comme une batterie de spotlights disco. Sex is fashion, bombe disco lubrique, Dancing like a monkey, étourdissant, stellaire et performatif, Yummy Mummy, un must-play pour grands garçons, Party Ashes, qui bourdonne encore aux tympans quand, à 6 heures du mat', vous n'êtes même plus en état d'appeler un taxi...
Si vous arrivez à rester suffisamment sobre et sec jusqu'au bout de l'album, vous saurez rien qu'en lisant le titre de l'ultime track, Boys from the north, petite fierté prolétaire en forme d'hymne de stade, qui combine orgue et codes de la marche militaire avec une poussée cosmique des synthés, d'où viennent Sylvain (claviers, chant) et Thomas (batterie, choriste) : du Nord. Le Nord, ces trois dernières années, les potes d'enfance, "deux mecs des corons", l'ont régulièrement quitté pour expérimenter leur formule de pogo sonique au gré de centaines de prestations live - une quasi religion. Si vous les manquez ce 21 juin, les occasions de prendre votre surdose d'auto-dérision et d'hypertension pop anachronique ne manqueront pas, au premier rang desquelles les Solidays à Paris (25 juin), le Rock dans tous ses états à Evreux (26 juin), l'Inrocks Party parisienne (1er juillet), le Main Square Festival d'Arras (2 juillet) ou encore les Francofolies de La Rochelle (15 juillet).
D'ici-là, mettez du piment dans vos oreilles : avant-goût avec, ci-dessus, les clips de Who's next et Top of the Pop.
Guillaume Joffroy