Deontay Wilder (32 ans) n'a commencé la boxe qu'en 2005. À peine trois ans plus tard, il remportait le bronze catégorie poids lourds aux Jeux olympiques de Pékin. Depuis 2015, il est champion du monde WBC (un titre qui fait rêver le Français Tony Yoka) et s'apprête à remettre son titre en jeu face à celui qu'il avait vaincu il y a deux ans, Bermane Stiverne, samedi 4 novembre au Barclays Center à New York. En vue de cet affrontement, L'Équipe est allé à la rencontre du champion américain, invaincu en 38 combats, dans son club de Tuscaloosa au fin fond de l'Alabama. Deontay Wilder parle de son sport avec un recul incroyable et raconte l'histoire de sa fille handicapée.
Je n'ai jamais encaissé un tel coup dur !
À 19 ans, Deontay Wilder rêvait encore d'aller à l'université quand sa petite amie est tombée enceinte. Ce bébé, pas question de l'abandonner. Le futur champion enchaîne les petits boulots pour gagner de quoi subvenir aux besoins de sa prochaine famille. Puis le couperet est tombé : "À la bonne nouvelle s'en est ajoutée une autre, terrible : les médecins ont détecté un spina-bifida à notre enfant. Je n'ai jamais encaissé un tel coup dur ! Quand tu attends un bébé, tu te visualises plein de choses positives, tu espères qu'il sera en bonne santé. Le spina-bifida affecte la colonne vertébrale. Jusqu'à paralyser les membres inférieurs. On peut finir en chaise roulante. Je n'étais qu'un môme. J'ai fait face, même si j'étais désemparé. Je n'avais plus le coeur à étudier. Il me fallait trouver de l'argent pour payer les frais médicaux, puis les écoles adaptées."
C'est alors que la boxe entre dans sa vie. Deontay Wilder, pourtant élevé par des parents aimants dans un "environnement plutôt agréable", est rompu aux combats de rue. Détruire son adversaire est un don. Quand il monte sur le ring, il se transforme, il se dégage de lui une rage qu'il est incapable d'expliquer encore aujourd'hui : "Je ne connais pas ce mec qui est sur le ring à ma place." Redescendu, il redevient le père qui ferait tout pour sa fille : "Naieya est une bénédiction. Sans elle, je ne serais rien. Ni champion ni invaincu en 38 combats. La boxe ne serait jamais entrée dans ma vie. Aucun de mes combats, ni en amateurs, ni en professionnels, n'est comparable à celui que livre ma fille au quotidien. Avec tous ces médecins autour d'elle, toutes ces seringues et tous ces traitements. À 13 ans, elle doit apprendre à s'accepter."
Comme son père, elle fait preuve d'une force rare, malgré les moqueries de certains à l'école. "Les médecins avaient prédit qu'elle ne parviendrait jamais à marcher. Aujourd'hui, non seulement elle marche, mais elle court. Elle fait de la gymnastique. Sur le corps, j'ai un tatouage nous représentant marchant ensemble sur les marches du succès." Le boxeur a eu trois autres enfants.
À 32 ans, Deontay Wilder entend bien conserver son titre mondial puis s'attaquer, en 2018, à Anthony Joshua, lui aussi champion du monde des poids lourds mais dans les fédérations IBF et WBA. Wilder rêve d'unifier les titres de la catégorie poids lourds, une prouesse réalisée la dernière fois par Lennox Lewis en 1999.
L'Équipe, en kiosques ce 30 octobre 2017.