Il compte parmi les avocats les plus célèbres de France, connu pour son franc parler mais aussi sa virulence à l'égard des magistrats : Eric Dupond-Moretti, le ténor des barreaux surnommé "acquittator", a été désigné garde des Sceaux lundi 6 juillet 2020, la nomination surprise de ce gouvernement.
Si la nomination d'Eric Dupond-Moretti a été bien accueillie par les avocats, elle a fait l'effet d'un choc chez les magistrats. "Nommer une personnalité aussi clivante et qui méprise à ce point les magistrats, c'est une déclaration de guerre à la magistrature", a déclaré à l'AFP Céline Parisot, présidente de l'USM, syndicat majoritaire chez les magistrats.
Quoi qu'il en soit, la passation entre Eric Dupond-Moretti et Nicole Belloubet s'est déroulée à la mi-journée mardi 7 juillet. Dans la cour du ministère de la Justice, remplie de journalistes, le compagnon d'Isabelle Boulay a prononcé un discours, concluant en évoquant ses proches et notamment sa mère. "Je pense aux miens, à ceux que j'aime et qui me sont proches. Je pense en particulier à ma mère qui a quitté son pays d'origine pour fuir la misère et elle est arrivée dans ce grand pays. Elle est devenue une française de référence et La Marseillaise la fait pleurer", a déclaré le nouveau Premier ministre, la voix tremblante. "Je serai un garde des Sceaux de sang mêlé. Mon ministère sera aussi celui de l'antiracisme et des droits de l'Homme", a-t-il conclu avant de plonger dans les bras de Nicole Belloubet, visiblement émue par ses mots.
Fils d'une femme de ménage, Eric Dupond-Moretti a entamé sa carrière à Douai en 1984. Il est à l'origine de plus de 120 acquittements, ce qui lui a valu le surnom d'"acquittator". Il a réussi à faire acquitter Roselyne Godard, la boulangère d'Outreau, Jacques Viguier, un universitaire accusé du meurtre de sa femme ou Jean Castela, accusé d'avoir commandité l'assassinat du préfet Erignac. Son nom apparaît dans de nombreux grands procès de ces dernières années. Il a été l'avocat de Patrick Balkany, de Jérôme Cahuzac.
En 2017, c'est sa défense du frère de Mohamed Merah, Abdelkader, qui avait déchaîné les passions. "C'est le procès le plus difficile de ma carrière. J'en ai pris plein la gueule, j'ai été insulté. On a dit que j'étais la honte de la profession, on a menacé mes enfants". Mais ça a été "pour moi un honneur" de le défendre, avait-il alors dit.