Il est désormais retiré au Canada, dans une maison qu'il partage avec sa compagne loin de l'agitation parisienne et du milieu de la mode, qu'il connaît (trop) bien. Lui, c'est Fabrice Thomas, 52 ans, ancien amant du regretté Yves Saint Laurent, disparu en 2008. Pour son deuxième numéro, Vanity Fair France nous gâte avec une excellente interview de cet ancien employé devenu inséparable du créateur. Un entretien dans lequel il revient non seulement sur ses relations avec Yves mais aussi avec Pierre Bergé, qui l'a pris sous son aile dans les années 1990. Fabrice Thomas en profite aussi pour faire une mise au point sur l'affaire de vol dont il est suspecté. Car Fabrice, en possession d'un portfolio de 300 dessins supposément offerts par Yves Saint Laurent, est la cible de Bergé, qui a déclaré que ces dessins, estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros, n'ont pas pu être offerts et qu'ils avaient été volés. Une accusation que Fabrice dément une nouvelle fois et qui fait même l'objet d'une procédure judiciaire. Extraits.
Une rencontre décisive
C'est à l'âge de 8 ans que Fabrice Thomas croisa le chemin d'un Yves Saint Laurent alors au sommet. Le père du jeune homme travaillait pour le groupe, sa grand-mère, elle, était concierge de l'appartement parisien du créateur. Une rencontre déterminante qui le forgera jusqu'à son envol. D'abord recueilli par Pierre Bergé qui lui trouve un travail au sein de la maison, Fabrice est aujourd'hui lucide sur la relation qu'entretenaient Bergé et Saint Laurent. "Il valait mieux ne pas se retrouver entre eux", confie-t-il. Pierre Bergé permet très vite à son protégé de rencontrer du beau monde, mais l'homme ne garde pas un souvenir merveilleux de son temps passé avec l'homme d'affaires. "J'ai tellement souffert à ses côtés", dit-il, évoquant aussi une "période horrible" mais préférant ne pas entrer "dans le détail de (s)es relations avec Bergé". Comme le soulignent nos confrères de Vanity Fair, à cette époque, les bruits laissaient penser qu'il y avait bien plus entre les deux hommes. "Pierre sait ce que nous avons vécu", dira-t-il seulement.
Rapidement, Yves Saint Laurent lui demande de devenir son chauffeur nocturne, l'accompagnant, parfois, dans ses lieux de débauche. Un nouveau poste qu'il obtient à la condition de ne rien dire à Bergé, du service duquel il avait démissionné quelque temps avant. Lorsque Pierre Bergé l'apprend, une fois la colère passée, il demandera à Fabien d'aller s'occuper d'Yves et de, dit-il, le débarasser de "Cyrus, un gigolo américain qui le fournit en cocaïne".
Fabrice, un homme à tout faire
Aux côtés d'Yves, il est chauffeur mais aussi chaperon puis confident. Les deux hommes deviendront amants et, 20 ans après leur première rencontre, ils habiteront sous le même toit.
"C'était le début de quelque chose. Le jour de sa sortie (de cure de désintoxication, ndlr), il m'a simplement dit 'Je veux que tu viennes vivre avec moi'", se souvient-il. Et de poursuivre : "A cette époque, j'étais à la recherche d'un père. Le mien buvait et cognait, Pierre m'avait brisé; Yves était un peu ma troisième chance. J'ai passé deux années incroyables avec lui."
Deux années durant lesquelles il a voyagé, a été gâté (il reçoit trois montres Cartier pour son anniversaire pour qu'il puisse avoir une "belle montre de gig'", selon ses propos), et aurait reçu ces fameux dessins, en guise de cadeau d'adieu. Des oeuvres aujourd'hui au coeur d'une querelle alors que Fabrice Thomas n'est plus en leur possession (il les aurait donnés à un ami allemand en 1994) et que le nouveau mystérieux propriétaire voudrait les exposer ou les vendre.
Seulement, du côté de Pierre Bergé, on ne souhaite pas qu'ils soient révélés au public. "Croyez-moi, cela aurait été impossible pour Yves de donner 300 croquis à quelqu'un. Peut-être un ou deux, mais 300 ? Sûrement pas", avait déclaré Pierre Bergé au magazine WWD à la fin 2012. Et d'ajouter : "Je ne suis pas enclin à payer pour quelque chose qui a été volé. Mais j'ai l'intention d'explorer chaque possibilité. Je dois éviter toute exposition des croquis."
L'ancien amant de Saint Laurent, lui, campe sur ses positions :"Je ne veux pas le provoquer (Pierre Bergé, ndlr). Je ne suis pas un voleur. Et pour Saint Laurent, j'ai été bien plus qu'un chauffeur"...
Affaire à suivre.
Entretien à retrouver dans le n°2 de Vanity Fair France, en kiosques depuis ce 24 juillet 2013.