Ses bacchantes blanches étaient aussi célèbre que ses créations. François Cavanna, fondateur des mythiques journaux satiriques Hara-Kiri et Charlie Hebdo, est mort ce 29 janvier dans la soirée. Il avait 90 ans.
L'information a été confirmée par Charb, directeur de la publication de Charlie Hebdo. Dessinateur et écrivain, parmi sa soixantaine d'oeuvres, on retiendra notamment Ritals, Russkoffs et Lune de miel, directement inspirés de ses nombreuses expériences. Il fit partie d'une génération de trublions qui compta notamment Georges Bernier, aka le professeur Choron, avec qui il créa Hara-Kiri, chamboulant le monde figé de la presse pré-Mai 68.
Né en 1923, fils d'un terrassier italien et d'une maman originaire de la Nièvre, il grandit à Nogent-sur-Marne où il subit le racisme dont sont victimes les enfants d'immigrés. Envoyé à 20 ans travailler dans les usines allemandes dans le cadre du STO (Service du Travail Obligatoire), cet ardent défenseur de la langue française avait connu l'enfer des camps, entre humiliations et tâches éprouvantes, avant de s'enfuir et prendre contact avec l'armée soviétique.
De retour en France après la guerre, il effectue de petits boulots avant de se lancer dans le dessin de presse, notamment chez Zéro, un journal de colportage. C'est là qu'il rencontre l'un des crieurs de la publication, ancien d'Indochine, Georges Bernier, qui deviendra rapidement le directeur des ventes. Ces deux-là s'entendent comme larrons en foire et finissent par créer Hara-Kiri, "journal bête et méchant" en 1960, alors que François Cavanna troque le dessin contre l'écriture. Puis viendra Hara-Kiri Hebdo qui se transformera en Charlie Hebdo en 1969.
L'humour noir, virulent, satirique, provocateur est l'apanage d'Hara-Kiri puis de Charlie Hebdo, qui verront passer quelques-uns des plus emblématiques dessinateurs et écrivains de l'époque, à l'image des Topor, Gébé, Cabu, Reiser, Wolinski ou encore Pierre Desproges qui tous travailleront avec François Cavanna, avant de devenir une bande de potes n'hésitant pas à s'en prendre à l'armée, la religion, les beaufs ou les chasseurs, leurs cibles favorites. Malgré les procès, les marques de censure et les critiques, les publications poursuivront leur bonhomme de chemin pour devenir des incontournables de la presse française.
Défenseur des inégalités, des animaux et fervent féministe, François Cavanna sut transmettre son impertinence à toute une génération d'écrivains et de dessinateurs. Marqué par la mort de sa fille à 18 ans des suites d'une overdose, il fut frappé par la maladie de Parkinson mais ne cessa jamais d'écrire.
Hospitalisé à Créteil à l'hôpital Henri-Mondor pour une intervention après une fracture du fémur, il a souffert de complications pulmonaires, a indiqué son entourage à l'AFP, ce qui aurait entraîné sa mort. "C'est le grand prêtre de l'humour qui disparaît, mais Cavanna n'est pas tout à fait mort : Charlie Hebdo lui survit, a déclaré à l'AFP Charb, le directeur de Charlie Hebdo. En créant Hara-Kiri dans les années 1960, il est à l'origine d'une mini-révolution dans la presse et dans la manière de rire. De nombreux humoristes lui doivent beaucoup sans le savoir."