L'année dernière, Bernard-Henri Lévy montait sa première exposition d'art, intitulée Les Aventures de la vérité - Peinture et philosophie : un récit, à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. En cette rentrée, le philosophe poursuit sa réflexion en revenant au théâtre, vingt ans après sa première pièce, Le Jugement dernier. Présenté sur les planches du théâtre de l'Atelier, Hôtel Europe réserve chaque soir à son interprète, l'immense Jacques Weber, et à son auteur, un triomphe. Comme Nicolas Sarkozy et Manuel Valls, François Hollande est venu juger sur place le 3 octobre dernier.
Hôtel Europe est un monologue en cinq actes. Nous sommes le 27 juin 2014, à Sarajevo. Un homme, probablement écrivain, a deux heures pour rédiger un discours sur l'Europe et son avenir. "Mais, au moment de prendre la plume, il se perd et se retrouve aux prises avec les contradictions de sa mémoire et de ce continent à la dérive, écrit BHL. Et défilent dans sa tête, pêle-mêle, la silhouette de la princesse Europe enlevée par Zeus déguisé en taureau ailé ; des textes de Husserl, Heidegger, Derrida, Platon ; les images d'une Bosnie que cette Europe qu'il doit célébrer a, deux décennies plus tôt, laissé mourir ; les noms de tels agitateurs néo-fascistes ou populistes qui ont déclaré la guerre aux valeurs de la culture et de l'éthique ; les fantômes, à l'inverse, de quelques grands morts, en cavale, et qui veillent ; et puis d'autres souvenirs, plus intimes, et qui, comme il se doit dans le désordre d'un murmure intérieur, n'ont apparemment rien à voir..."
Jacques Weber, impeccable, est mis en scène par Dino Mustafic, et parfois, il y a du très beau monde dans la salle. Tout juste avant d'avoir annoncé son grand retour en politique, Nicolas Sarkozy a assisté à la représentation du 12 septembre. L'ancien président et son épouse Carla Bruni-Sarkozy, accueillis par Bernard-Henri Lévy en personne, ne sont évidemment pas passés inaperçus à la sortie du théâtre de l'Atelier. Il y a quelques jours, le 2 octobre, rebelote. Des caméras partout, des photographes. Ce soir-là, ce sont Manuels Valls, le Premier ministre, et son épouse Anne Gravoin qui assistent au spectacle. Et, le lendemain, le président. François Hollande était accompagné par la jolie et pétillante Audrey Azoulay, nommée cet été conseillère à l'Élysée pour la culture et communication. Le plus étonnant, pour qui a vu la pièce, c'est pourtant la liberté de ton, voire l'insolence du texte vis-à-vis de tous les politiques et, en particulier, de ces trois-là. Il est question des Roms, de la vente des navires de guerre Mistral à l'Ukraine, de la lâcheté de l'Europe face à Poutine et même du dernier livre de Valérie Trierweiler ainsi que du mélange des genres grandissant entre vie publique et sphère privée. Chacun en a pris pour son grade. Mais chacun a ri de bon coeur ! Tous se sont levés de bonne grâce quand, à la fin de chaque représentation, la salle, unanime, faisait une longue ovation debout à l'acteur Jacques Weber.
Comme pour chacun de ses invités, BHL étaient là pour les accueillir et les emmener, après le spectacle, juste en face, chez Momo, le patron du coucous. Ce dernier peut d'ailleurs se vanter d'avoir eu à sa table un Premier ministre, le président et son prédécesseur... en quelques jours seulement. Il est la seule personne au monde à avoir, sur le mur de son restaurant, côte à côte, des selfies avec les deux présidents qui se sont affrontés en 2012 et se réaffronteront peut-être... en 2017.
Le théâtre de l'Atelier n'en revient pas et la charmante petite place Charles-Dullin n'a jamais été à pareille fête. Le quartier ne se pose maintenant qu'une question : quelle nouvelle surprise lui réserve, la semaine prochaine, ce diable de Bernard-Henri Lévy ?