Des meilleurs moments de cette cérémonie de clôture du Festival de Cannes 2014, outre le discours incisif de Lambert Wilson, les larmes de Xavier Dolan ou la Palme de Nuri Bilge Ceylan, on retiendra les adieux de Monsieur Gilles Jacob.
Le président du Festival de Cannes a en effet tiré sa révérence à l'âge de 83 ans. Délégué général de 1978 à 2001, puis président, Gilles Jacob aura marqué l'histoire du plus grand festival de cinéma au monde. Le 24 mai, lors de la cérémonie de clôture, le si discret et sympathique Gilles Jacob s'est offert un dernier plaisir, tout en humilité. Après avoir reçu une longue standing ovation poignante, Gilles Jacob a remis la Caméra d'or, prix qui récompense le meilleur premier film, toute sélection confondue. "Il résume bien tout ce que j'ai voulu faire au Festival, expliquait Gilles Jacob sur scène. Aider, découvrir, célébrer le cinéma et préparer son futur. Remettre ce prix ce soir est pour moi la meilleure façon de passer la main." Plus tard, il remerciera ces fidèles festivaliers/admirateurs/abonnés, toujours via Twitter : "Je vous remercie de tout coeur de m'avoir soutenu si affectueusement for this last waltz [pour cette dernière danse, NDLR]."
Avant de transmettre le relais à Pierre Lescure pour la 68e édition l'an prochain, Gilles Jacob a fait vivre de l'intérieur sa dernière journée en tant que président, sa dernière cérémonie de clôture. Dès le matin, via son compte Twitter, le président partageait des photos de la villa où le jury de Jane Campion délibérait pour décerner la 67e Palme d'or de l'histoire. Au plus près des stars, homme de l'ombre qui a souvent illuminé le Festival par sa clairvoyance et son intarissable savoir, fruit d'une passion sans limite pour le septième art, Gilles Jacob a vibré, tel un festivalier lambda, au rythme des coups d'éclat et déceptions. Lui qui a justement créé la Caméra d'or dans le but d'offrir une vitrine aux générations futures, pourra se targuer d'avoir propulsé bien des carrières en sélectionnant des films qui deviendront cultes.
Celui qui aurait pu ne jamais présider le Festival après avoir frôlé, un jour de 1942, une arrestation par la Gestapo – scène qui fut plus tard immortalisé par Louis Malle dans Au revoir les enfants – a fini par marquer profondément son Festival, invitant dès ses deux premières années en tant que délégué des films sulfureux tels que L'Homme de marbre (1978) et Apocalypse Now (1979), contre l'avis général. Il aura créé la Caméra d'or (qui révéla Jim Jarmusch, Jaco Van Dormael ou plus récemment Steve McQueen), puis la Leçon de Cinéma, et la Cinéfondation pour les courts métrages d'étudiants. De son "bunker" (le Palais des Festivals, qu'il a fait reconstruire), Gilles Jacob a révolutionné le Festival de Cannes en 36 ans de dévotion sans borne. Bravo, et merci.
C.R.