Auteur du véritable coup d'éclat de ce 67e Festival de Cannes, Xavier Dolan aura vécu de manière intense ses dernières heures passées à Cannes. Avec Mommy, le jeune réalisateur québécois a remporté le prix du jury ex-aequo avec Adieu au Langage (de Jean-Luc Godard), mais surtout la Palme du coeur, tant la critique aura consacré le cinquième long métrage du cinéaste.
Itinéraire d'un enfant chéri
Six ans après son premier long, J'ai tué ma mère, Xavier Dolan revenait à Cannes avec Anne Dorval et Suzanne Clément, ses muses, pour le film Mommy. Après avoir fait part de sa tristesse de ne pas avoir été sélectionné en compétition pour Laurence Anyways, Xavier Dolan a lavé sa déception pour triompher avec Mommy, l'histoire d'une veuve mono-parentale héritant de la garde de son fils, un adolescent TDAH (trouble du déficit de l'attention et hyperactivité) impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l'aide inattendue de l'énigmatique voisine d'en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d'équilibre et, bientôt, d'espoir.
A 25 ans, Xavier Dolan aurait pu écrire l'histoire du Festival de Cannes en étant le plus jeune cinéaste à remporter la Palme d'or (pour une fiction). De quoi repenser à l'itinéraire incroyable de ce jeune prodige à qui tout souri ou presque. Fils d'un comédien-chanteur, Manuel Tadros, Xavier Dolan a commencé dès l'âge de 4 ans à poser devant une caméra, dans le cadre de publicités. Après quelques expériences en tant qu'acteur, l'autodidacte se lance dans la production et réalise son premier long, l'émouvant J'ai tué ma mère, et est couvert de louanges. Suivront Les Amours Imaginaires, le pictural Laurence Anyways et le thriller Tom à la ferme, sorti il y a quelques semaines.
"Changer le monde par nos rêves"
A Cannes pour défendre Mommy, Xavier Dolan a été découvert tel un jeune homme à fleur de peau. Son émotion, très palpable sur les marches le 22 mai, s'est transformée en larmes sur la scène du Palais des Festivals, samedi 24, au moment de recevoir son prix du jury. Très ému, Xavier Dolan a livré un discours poignant sur le courage, l'envie de réaliser ses rêves, et l'amour qui a été porté à son film, "malgré les gens qui s'attachent à leurs goûts et n'aiment pas ce que vous faites". La gorge nouée, le jeune cinéaste s'adressait aux jeunes générations : "Restez fidèles à ce que vous êtes. Accrochons-nous à nos rêves, car nous pouvons changer le monde par nos rêves, nous pouvons faire rire les gens, les faire pleurer. Nous pouvons changer leurs idées, leurs esprits. Et en changeant leurs esprits nous pouvons changer le monde. Ce ne sont pas que les hommes politiques et les scientifiques qui peuvent changer le monde, mais aussi les artistes. Ils le font depuis toujours. Il n'y a pas de limite à notre ambition à part celles que nous nous donnons et celles que les autres nous donnent. En bref, je pense que tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n'abandonne jamais. Et puisse ce prix en être la preuve la plus rayonnante."
Pour Nicolas Winding Refn, membre du jury, l'exemple Xavier Dolan lui permet d'assurer "qu'il n'y a plus d'excuses pour ne pas réaliser une idée" et que "la révolution technologique fait comprendre que tout un chacun peut devenir réalisateur et faire des films". "Il n'y a plus de limites", a-t-il ajouté. "C'est ce qu'on a voulu montrer avec Mommy".
Quant à la critique, déçue de ne pas voir Mommy accoler son nom aux côtés de la Palme d'or, elle peut s'assurer que Xavier Dolan reviendra pour glaner de nombreux prix. Mais il faudra patienter : "Je n'ai plus d'énergie. Je ne suis pas juste crevé de la nuit dernière, mais des cinq ans que je viens de passer à faire des films, a-t-il déclaré à l'AFP. Je retourne à l'université pour étudier l'histoire de l'art et suivre des études germaniques."
C.R.