Le 24 novembre 2012, Régis de Camaret était condamné à huit ans de prison ferme pour viols et tentatives de viols sur mineures. Un an plus tard, Isabelle Demongeot, elle-même victime de ce coach lors de son passage au club des Marres de Saint-Tropez au début des années 80, a quitté le tennis pour achever sa reconstruction. Une reconstruction qui passera malheureusement par un nouveau procès en février 2014, Régis de Camaret ayant fait appel de sa condamnation.
En 2005, Isabelle Demongeot portait plainte contre Régis de Camaret pour des agressions sexuelles subies entre ses 13 ans et ses 22 ans. Une plainte qui ne pouvait aboutir du fait de la prescription des faits, mais qui libérait la parole d'autres victimes, qui toutes relatèrent dans les moindres détails les viols sordides perpétrés par leur entraîneur. Un procès difficile face à un homme qui a toujours nié les faits, et qui avait même reçu le soutien de Nathalie Tauziat... Pour Isabelle, pas question de pardonner.
Une parole qui dérange
"Cela a été assez dur, raconte cette femme de 47 ans dans les pages de L'Equipe ce 18 novembre. Et encore aujourd'hui. J'ai pris des coups et, depuis trois mois, je suis en pause, j'ai besoin de récupérer, d'avoir du temps pour moi, de ne plus penser." Car depuis le procès, les choses ont changé et le regard des autres en particulier. L'opinion en général aura attendu le témoignage d'autres victimes pour accepter une réalité que criait depuis des années Isabelle Demongeot. Une Isabelle Demongeot qui reconnaît "paye[r] cher la note" après ses accusations et "dérange tout le monde". Le tennis ? C'est aujourd'hui fini. Plus question de travailler dans le monde de la petite balle jaune et notamment pour la Fédération, laquelle a eu cette phrase qui l'a profondément blessée : "C'est embêtant, on voit d'abord la femme violée plutôt que la joueuse de tennis que tu étais."
Pourtant, la passion est toujours là, l'envie de partager également. "Mais là, je crois que je suis à un moment de ma vie où je veux faire autre chose", poursuit-elle. Pour en arriver là, Isabelle Demongeot a dû affronter ses démons et surmonter le traumatisme du viol. "Ma compagne Sandrine a été présente et elle m'a également laissée vivre ces moments seule, et c'était important. Chez certains, on a l'impression qu'un viol, c'est comme un rhume, que cela va passer. Dans l'entourage des femmes violées, et les maris notamment, on a envie de dire : 'Quand est-ce qu'on n'en parle plus de ton truc ?'", explique-t-elle.
Devant l'inertie des pouvoirs publics face au harcèlement et aux abus sexuels dans le sport, Isabelle Demongeot ne se voit pas pour autant s'impliquer dans cette lutte qu'elle avait tenté de mener par le passé. Elle avait notamment sollicité Rama Yade, à l'époque secrétaire d'État auprès du ministre de la Santé, de la jeunesse et des sports, qui lui avait affirmé que ses services s'en occuperaient... sans avoir eu depuis de nouvelles.
L'impossible pardon
Le travail effectué par l'ancienne joueuse de tennis, une thérapie après une année de malaises, lui permet aujourd'hui de surmonter ses traumatismes, de "reprendre goût à son corps" : "C'est un traumatisme, des douleurs dans le ventre, des angoisses. Une image, un prénom, et cela vous remet dedans." Petit à petit, Isabelle Demongeot s'est reconstruite, sa parole et celles des autres l'ont libérée, malgré les deux demandes de libération et l'appel lancé par Régis de Camaret.
Et aujourd'hui, pas question de pardonner à celui dont elle ne prononce pas le nom : "Non. Cet homme a broyé toute une vie, et pas qu'une seule fois. Il ne mérite pas le pardon." Aujourd'hui "heureuse mais toujours sur la défensive", Isabelle Demongeot reconnaît qu'on peut se remettre d'un tel traumatisme : "Oui, mais c'est un gros travail personnel. C'est vrai que j'aurais pu finir dans le port. Il faut avancer, ne pas rester sur le mauvais."
Isabelle Demongeot, un entretien à retrouver dans les pages du journal L'Equipe du 18 novembre 2013