Les Palmes d'or françaises sont rares, mais le cinéma français brillera certainement avec De rouille et d'os au festival de Cannes 2012.
Trois ans après le Grand prix du jury pour Un prophète (2008), Jacques Audiard filme Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts dans une histoire d'amour torturée, rencontre-choc entre une dresseuse d'orques amputée des jambes et un boxeur marginal. "Un mélo-trash", explique t-il à Technikart.
Avec son co-scénariste Thomas Bidegain, il a dépouillé l'histoire du romancier Craig Davidson pour faire du héros une héroïne. "Chez une femme, [l'amputation] relève d'une perte de la beauté, d'une perte de la séduction. Et pour moi qui avais envie de travailler avec Marion, il y avait là quelque chose d'intéressant, d'érotique." Puis il a remplacé le cadre américain par celui d'Antibes, dans le sud de la France. "Si tu le fais [aux Etats-Unis], c'est presque des lieux communs. Mais si tu les mets en France, tu es obligé de faire des trucs pas banals, beaucoup plus singuliers. Tu crées un choc, un tremblement. (...) J'espère qu'il n'y a pas de... ou plutôt si, j'espère qu'il y a une trahison. Pour la bonne cause."
Entré dans le panthéon des hommes de cinéma comme son père, Jacques Audiard ne manque pas de mystère et d'âpreté. Notamment lorsqu'il parle de son actrice principale : "Sans vouloir faire l'ingénu, c'est comme ça qu'on la perçoit, Marion ? Comme une star ? Parce que je n'ai pas du tout eu ce sentiment-là, dans le travail. Chez certains, c'est très puissant et gênant. Mais ce à quoi je ne suis pas habitué - et là j'ai senti le poids de 'la star' -, ce sont les problèmes d'emploi du temps [elle tournait simultanément De rouille et d'os et The Dark Knight Rises]." Coïncidence : Marion Cotillard est en couverture de La Parisienne, qui titre "Superstar" avec elle, à moitié nue et ultra-glamour.
Pour sa part, il estime que le succès extraordinaire de ses films a un revers : "Tu fais un premier film, personne n'en veut, ça c'est clair. Là où j'en suis, de l'eau a coulé sous les ponts et je subis le problème inverse. Les gens ne lisent même plus ce que je leur soumets et disent : 'C'est formidable'. Mais qu'est-ce qui est formidable ? Prouvez-le moi, que c'est formidable !" Mais Jacques Audiard sait aussi reconnaître les instances supérieures, et explique qu'il s'est empressé de boucler le montage pour assurer sa présence à Cannes : "On s'est efforcé de profiter de l'imminence de Cannes pour terminer vite, ne pas traîner trois ou quatre mois de plus." Les plus grands des réalisateurs ne sont pas dupes.
De rouille et d'os, en salles le 17 mai.
Retrouvez l'interview de Jacques Audiard dans Technikart, mai 2012.