Pour une seconde, les Bleues du handball ont pleuré mardi soir ; pour une seconde, Les Experts ont jubilé mercredi après-midi.
Victorieux de l'Espagne (23-22) au prix d'un match électrique, terrible d'intensité physique et de défi mental, Jérôme Fernandez, Titi Omeyer, Nikola Karabatic, Daniel Narcisse et leurs copains ont arraché mercredi 8 août leur qualification pour les demi-finales du tournoi olympique de handball des JO de Londres, brisant l'Espagne au dernier instant grâce à l'opportunisme salvateur de - tout un symbole !- William Accambray, l'invité de dernière minute, parfaitement placé aux six mètres pour convertir en crucifixion une énième parade du portier ibérique - sur un tir désespéré de Niko. Une délivrance limpide et instantanée ; tout le contraire des 59'58" qui précédèrent...
La saga Les Experts : Londres a tenu toutes ses promesses avec la superproduction annoncée France - Espagne, entre les Bleus champions olympiques et champions du monde en titre, et les Rouges médaillés de bronze lors de ces mêmes rendez-vous. Un thriller haletant, un suspense à couper au couteau. Et tous les ingrédients ont effectivement été réunis pour que ce nouvel épisode de l'histoire commune des garçons de Claude Onesta soit mémorable : scène d'exposition cauchemardesque (1-6 après une douzaine de minutes de jeu, 2-7 à la 18e, et une impression criante d'impuissance), développement âpre et épineux (-3 à la mi-temps, +3 au milieu de la seconde période, égalité dans les dernières minutes), péripétie en guise de dénouement.
Claude Onesta avait prédit un duel de "taureau contre taureau" : le score en atteste suffisamment, c'était un match de défense. Point traditionnellement fort des Bleus depuis plusieurs générations dorées, des Costauds aux Experts, elle a été mise à mal en première période par des Espagnols très mobiles, dont la vivacité, l'inspiration et la réussite face à un Thierry Omeyer en forme normale (et pas, comme souvent, "des grands soirs") ont fait ressortir de façon flagrante le manque d'imagination et de percussion des Bleus en attaque : pendant de longues, très longues minutes, la base arrière (Jérôme Fernandez-Daniel Narcisse-Nikola Karabatic), privée du soutien de ses ailiers, s'est empalée sur une défense espagnole très rugueuse et agressive, multipliant les permutations vaines, manquant de profondeur et prenant des situations de tir compliquées. Et même lorsqu'un intervalle s'ouvrait ou que le pivot Cédric Sorhaindo obtenait la balle à son poste, encore fallait-il parvenir à battre le gardien de l'Atletico Madrid Arped Sterbik, en état de grâce (17 arrêts en première mi-temps !), attirant tous les ballons tel un aimant. Tandis que Karabatic piétinait et s'abîmait le crâne, Sterbik volait la vedette à notre Titi national. Preuve en est, comme l'a relevé L'Equipe, le fait qu'il ait fallu attendre douze minutes pour voir le premier but français (sur un... jet de 7 mètres de Fernandez), et même seize pour la première réalisation sur une action de jeu (Sorhaindo) !
Heureusement, ce groupe France a du coeur et de la fraîcheur : Xavier Barachet, peu en confiance et peu utilisé durant la phase préliminaire, et William Accambray, le 15e homme appelé en dernière minute en remplacement de Guillaume Joli au début du tournoi, ont commencé, avec le solide Cédric Sorhaindo, travailleur de l'ombre usant la défense sur sa zone, à fissurer la muraille espagnole et à racheter la faillite offensive des cadres des Experts. De quoi regagner les vestiaires avec un retard plus motivant que démoralisant (9-12).
Crispante de ratages et d'impuissance, la première mi-temps laissa alors place à une deuxième période stressante de folie, que Les Experts, retrouvés, ont emballée, revenant à hauteur, se faisant rattraper, gardant la main jusqu'à se faire rejoindre à 22-22 pour un final à hérisser le crin. Le Montpelliérain William Accambray, auteur de six buts en seconde période, ne manquait pas de planter la banderille fatale à la 59e minute passée de 59 secondes. Le capitaine Fernandez a d'ailleurs voulu saluer l'homme du match, en interview après la rencontre : "L'entrée de William a fait du bien. Il a transpercé Sterbik. On a pu s'appuyer sur une très bonne défense. A la pause, on s'est dit que l'enjeu finirait pas peser à un moment chez les Espagnols. C'est ce qui s'est passé, le ballon devenait plus lourd pour eux. A la fin, le sort nous a choisis. Sur le dernier ballon on a beaucoup de réussite. Et c'est sur William (Accambray) que la balle revient. Il est l'homme de ces dernières 24 heures. On savait qu'il avait des fourmis dans les jambes. Il a plombé le moral de Sterbik et il nous a remis dans le match."
A 60'00", Les Experts dansaient comme un soir de médaille d'or. Qui viendra peut-être. En attendant, ils ont pris leur revanche sur l'Espagne, qui les avait fait plier en janvier lors du dernier Euro désastreux. Et affirmé, avant de retrouver en demi-finale le vainqueur du match Croatie - Tunisie, qu'ils étaient bel et bien candidat à leur propre succession.