Quelle extase ! Il reste une vingtaine de secondes à jouer, et cette pile électrique, ce zébulon magnifique de Céline Dumerc, miss "pousse-toi de là que je mette un 3 points" London 2012, rebondit frénétiquement, à peu près deux fois plus vite que le ballon de la dernière possession française qu'elle dribble, près du banc des Bleues, debout et euphoriques.
A quatre secondes du dénouement, c'est trop : elle pose le ballon à même le parquet et se laisse aller à une liesse incroyable et historique pour le basket français. Les filles sont en finale des Jeux olympiques !
On n'entend même pas le buzzer finale, noyé dans les cris de joie des basketteuses tricolores, qui viennent d'éliminer glorieusement la Russie (81-64) championne d'Europe en titre en demi-finale du tournoi olympique, et de leurs supporters déchaînés.
Dans la cabine des commentateurs de France Télévisions, l'ancienne meneuse vedette Yannick Souvré, trois fois championne d'Europe avec Bourges et championne d'Europe avec les Bleues en 2001 un an après avoir goûté à la fièvre olympique (5e à Sydney), est en larmes, submergée par une émotion qu'elle vit par procuration, qu'elle connaît.
Dans les tribunes, les basketteurs malheureux de l'équipe masculine, comme Boris Diaw, Ronny Turiaf et Nicolas Batum, savourent avec leurs amies Bleues, après les avoir encouragées, une formidable consolation. "Pour nos gars !", ont d'ailleurs écrit les Bleues sur un drapeau tricolore brandi à la fin du match...
Pierre Vincent, l'entraîneur de l'équipe de France féminine de basket, a des mots très forts pour décrire cette émotion : "On ne parle pas de nous, on n'existe pas dans ce village olympique où il y a 11 000 athlètes, des stars mondiales... Notre seule manière d'exister, c'est de gagner. Ce soir, on existe." "Vous vous rendez compte ? Non, je ne crois pas !, s'exclame l'arrière Florence Lepron dans un éclat de rire, c'est plus qu'un rêve".
Un rêve qui, à en croire l'emblématique Céline Dumerc, n'a pas tardé à se dessiner : "J'ai senti qu'elles [les Russes] étaient fébriles, qu'elles en faisaient trop et j'ai vite compris qu'on allait gagner ce match. Parce qu'on a un groupe de malades, des joueuses de "ouf" et un super coach", a-t-elle confié avec un enthousiasme irrésistible, comme le rapporte L'Equipe. Et en effet : non seulement elle sont "ouf", mais en plus elles ont fait un démarrage de "ouf" (8-0 d'entrée de jeu) qui leur promettait déjà la plus belle des récompenses - une place en finale du tournoi olympique, pour la deuxième participation seulement des Bleues aux JO ! Après des débats équilibrés dans les deuxième et troisième quart-temps, où les joueuses de Pierre Vincent ont globalement géré leur capital d'avance et imposé leur grosse densité physique en défense (avec des Isabelle Yacoubou et Emmeline Ndongué énormes), le quatrième quart-temps a ressemblé à un jubilé, Lawson et Gomis parachevant leur récital sous l'arceau et la capitaine Dumerc peaufinant la stat globale à trois points (8/11) aussi bien en shootant sous pression au buzzer qu'en prenant le tir à plus de deux mètres de la ligne.
Pour la troisième finale olympique de l'histoire du basket français (la première côté féminin après les finales masculines de 1948 et 2000), les Bleues sont impatientes d'en découdre avec les quadruples championnes du monde en titre américaines. "Je n'ai pas peur mais hâte de les jouer", affirme Céline Dumerc, qui, plutôt que de parler d'histoire, préfère incarner le basket-plaisir : "Nous, on a un ballon, on joue, on s'éclate avec ce groupe. C'est l'image du basket que j'ai envie de donner."
Ces Bleues sont éclatantes, dans tous les sens du terme.
G.J.