Après un an passé derrière les barreaux, le réalisateur de Piège de cristal, John McTiernan, est sorti de prison. Incarcéré en avril 2013 après la révélation d'un scandale autour d'écoutes illégales, le cinéaste a d'ores et déjà annoncé qu'il serait bientôt de retour derrière la caméra. Pour l'heure, on le retrouve le 8 septembre sur le tapis rouge du Festival du cinéma américain à Deauville, pour l'hommage qui lui a été fait.
Au cours de son séjour en prison dans le Dakota du Sud, le réalisateur a eu le temps de beaucoup, beaucoup réfléchir. Le magazine So Film a recueilli les confidences du cinéaste enfermé du 3 avril 2013 au 25 février 2014 dans une prison américaine. En effet, à partir de 2006, il est impliqué dans l'affaire Pellicano et doit mettre sa carrière de cinéaste entre parenthèses. Accusé d'avoir menti sous serment, il est condamné à un an de prison après avoir vu son appel rejeté. Pour la revue spécialisée, il se raconte en brandissant son étendard anti-système. Extraits implacables et réjouissants d'une interview-fleuve passionnante.
L'affaire des écoutes illégales : "Ils m'ont accusé d'avoir menti. Mais personne ne donne d'infos confidentielles à un inconnu par téléphone. Même dans leur manuel, il est écrit qu'ils doivent donner leur identité. (...) Ces gens ont tous les pouvoirs. Et ils inventent des crimes. C'est un énorme instrument pour le gouvernement."
La prison : "La chose la plus surprenante est qu'il n'y avait pas de criminels dans cette prison. J'ai vraiment compris cela quand je suis arrivé et que j'ai vu tous ces Noirs. En leur parlant, c'était clair comme du cristal qu'ils n'avaient rien fait. C'est juste que ces Noirs et ces Hispaniques, qui étaient au moins deux mille, n'avaient pas assez d'argent pour se payer un avocat, donc ils ont dû simplement plaider coupable et accepter leur peine. (...) Si l'Amérique compte aujourd'hui plus de prisonniers que l'Allemagne nazie, c'est pour empêcher un paquet de gens de voter !"
La société : "Quand ma fille de 13 ans regarde la télévision, qu'est-ce qu'elle voit ? Game of Thrones. Ils se passe aujourd'hui la même chose qu'avec les artistes de 1880. Nous sommes encore dans la Grande Dépression. Ou plutôt la Grande Répression. (...) Bill Gates est devenu l'homme le plus riche du monde en vendant des sortes de gardiens électroniques."
Les États-Unis : "Le Parti républicain, c'est l'entreprise britannique oligarchique. (...) Tout ce pays est fondé sur une énorme accumulation de petits mensonges."
Hollywood : "Les gros studios ne sont plus ce qu'ils étaient il y a vingt ans. (...) Moi, ils ne m'ont jamais aimé. (...) Ceux qui font réellement les films, ce sont les producteurs indépendants. (...) Los Angeles est vraiment l'endroit où je me sens le plus mal au monde. Ils sont tous fous, surtout à Beverly Hills."
Bruce Willis : "Il est difficile à aimer parce qu'il est sur la défensive. (...) On s'est rencontrés pour Piège de cristal, qui à l'origine avait été écrit pour Richard Gere. Ce qui aurait été complètement différent : beaucoup plus suave. Mais en fait, le côté rustre de Bruce Willis est devenu la marque de John McClane dans les Die Hard : un homme qui est difficile à aimer car il ne s'aime pas lui-même. (...) Bruce Willis est un acteur excellent. (...) C'est vrai qu'il est souvent dans des films dont il se fiche et, du coup, il se comporte mal. Mais ce n'est pas non plus Depardieu qui fait pipi dans l'avion."
Mel Gibson : "La Passion du Christ est un film choquant, blessant. Je ne crois pas que Mel ait eu conscience de la manière dont cette histoire a été récupérée par les antisémites européens. C'était très simple à corriger, il aurait dû le faire."
Son prochain film : "Je suis en train de préparer un film avec John Travolta. Sur la vie secrète des pilotes pendant l'hiver. (...) John est le meilleur acteur anglophone que je connaisse. (...) Pour les seconds rôles, on a une option sur Morgan Freeman, Queen Latifah... J'adore Queen Latifah, elle est incroyable."
La dépression : "C'est très sérieux. Si tu es atteint de dépression, tu risques probablement d'en mourir. Je sais de quoi je parle, je suis sous anti-dépresseurs depuis vingt-cinq ans. Mais j'espère que mes films ne sont pas déprimants [rires] !"
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le magazine So Film du mois de septembre 2014