Ces deux derniers projets musicaux, Juliette Gréco les consacrait à Paris dont elle est pour beaucoup une des icônes. Dans son album studio Ça se traverse et c'est beau... elle chantait les ponts de la capitale, puis ses quartiers dans l'album collectif et féminin ElleSonParis. Elle revient avec un magnifique Gréco chante Brel, déclaration d'amour à celui qu'elle rencontrait il y a soixante ans. Malgré un coeur qui lui joue des tours, Juliette Gréco continue de faire ce qui lui plaît avec la même liberté, la même élégance. Au JDD, elle déclare se ficher de sa propre mort : "Un seul truc m'ennuie, c'est d'être devenue une référence : dès que quelqu'un meurt, on m'appelle !"
Juliette Gréco a toujours fréquenté Jacques Brel, avant même d'épouser son compositeur et pianiste Gérard Jouannest. Gréco a chanté Brel à de nombreuses occasions et lui consacre enfin un album. "Il fallait faire ce disque car Brel est là. Il est parti je ne sais où mais au fond, le plus sûr moyen de mourir restant l'oubli, il ne meurt jamais", disait-elle ce week-end dans le Journal du Dimanche. Ce qu'elle aime chez Jacques Brel, c'est qu'il dit la vérité : "Il dit les choses très cruellement, de manière très logique, observe Gréco dans son interview accordée à l'AFP. Il n'a aucune faiblesse, ni dans ses descriptions de l'amour ni dans celles de la mort, de la vie, des putains [...]. Il est beaucoup moins théâtral que Ferré, beaucoup moins tendre que Brassens." Alors Gréco ne supportait pas l'interprétation qu'il donnait de son classique Ne me quitte pas : "Je l'aime trop pour ça et ça m'énerve de le voir se traîner par terre, comme une serpillère humide. Merde ! Ça m'a tellement révoltée que j'ai pris absolument le contraire. Et puis je le ressens comme ça : Ne me quitte pas, c'est Tu vas voir ce qui va t'arriver, si tu le fais."
Jacques Brel se découvre un cancer en 1974 qui l'emportera quatre ans plus tard. Longtemps, Juliette Gréco a refusé de lui rendre visite pour ne pas "le voir en état d'infériorité" lui qui était "de rire et de sang". La question de la mort, Gréco l'évoque sereinement dans le JDD : "Oui, je suis vieille en âge, j'ai bientôt 87 ans. Ce n'est pas loin. Mais je n'ai pas de soucis : je bouge, j'avance, j'ai envie. Et j'ai même peur. Pas de ma mort, hein ! Celle-là, je m'en fous. Plutôt de la mort des autres." Dernièrement, Gréco a fait deux malaises sur scène. Son coeur "est un vieux fou à l'image de sa patronne".
"Gréco chante Brel", album paru le 28 octobre 2013.