Il y a seize ans, le cinéma d'horreur était bousculé par Scream (1996) et Wes Craven. Véritable phénomène culte, le film prenait un malin plaisir à se mettre en scène en brisant le quatrième mur. Amateurs des films d'horreur et conscients de leur rôle, les personnages décortiquaient les règles du scénario, et par ricochet, annonçaient leur propre sort.
Après avoir participé à l'essor du genre avec La Dernière Maison sur la gauche (1972), La colline a des yeux (1977) et Freddy : Les Griffes de la nuit (1984), Wes Craven réécrivait ainsi le genre en prenant à partie le public gavé de références.
Il y a quelques années, certains réalisateurs expliquaient que Scream avait marqué une triste étape dans le cinéma d'horreur, premier pas définitif vers un cinéma parodique, trop conscient de ses limites pour s'assumer. Particulièrement barré et imprévisible, La Cabane dans les bois devrait donc les ravir une nouvelle fois.
La Cabane du bonheur
La Cabane dans les bois raconte le cauchemar de cinq amis, partis s'amuser dans une maison isolée au milieu de la forêt. En vrac, le film mobilise le vieux Rednek, la blonde écervelée, la scène de sexe, le sous-sol poussiéreux et la moitié des clichés du slasher - ces films d'horreur où les héros sont poursuivis pas un psychopathe.
Co-écrit par Joss Whedon (Buffy contre les vampires, Avengers) et Drew Goddard (scénariste de Cloverfield), le film a été pensé comme un véritable pied-de-nez au cinéma d'horreur : "En gros, c'est une lettre de haine très aimable. C'en serait presque une blague, Drew [Goddard, le réalisateur] et moi, essayant de trouver ce qui pourrait être le plus drôle. À un autre niveau, c'est une critique sérieuse de ce que nous aimons et n'aimons pas dans les films d'horreur."
Car les deux plaisantins vont encore plus loin que Scream. Là où Wes Craven dénonçait les travers du genre sans toutefois s'en détourner, La Cabane dans les bois brise absolument toutes les règles, sans se soucier de malmener le spectateur halluciné. Comme une gigantesque usine à histoires alimentée par une puissance folle, le décor génère les scénarios et les événements les plus improbables. Impossible de prédire le dernier acte de La Cabane dans les bois, nourri par le bestiaire télévisuel de Joss Whedon, créateur de Buffy contre les vampires et Firefly. Et impensable d'en révéler les détails, au risque de priver le spectateur d'un électrochoc de plaisir.
Les Avengers de la revanche
Né en 2009, La Cabane dans les bois a été retenu par les studios pendant deux années. Prévue en 2010, la sortie a été décalée d'un an pour permettre une conversion en 3D. Pendant que Joss Whedon et Drew Goddard luttaient pour éviter cette démarche purement économique, la faillite de la MGM repousse indéfiniment la distribution en salles.
En 2011, Lionsgate acquiert La Cabane dans les bois. Pas bêtes, les producteurs calent la sortie sur celle du blockbuster Avengers de Joss Whedon, qui attise la curiosité autour de l'homme. Longtemps condamné à errer dans les couloirs des direct-to-dvd, le film d'horreur à 30 millions de dollars est rentabilisé dès sa sortie américaine, soutenu par une presse enthousiaste.
Quasi sorti de nulle part, La Cabane dans les bois semble avoir déjoué les pronostics de la même manière qu'il a détourné les impératifs du genre. Une preuve supplémentaire qu'il est destiné à marquer le genre d'une bien étonnante manière.
La Cabane dans les bois, actuellement en salles.
Geoffrey Crété