Depuis qu'il a quitté l'équipe de France et le poste de sélectionneur, Laurent Blanc s'est fait discret. Trop, diront certains. Ce mercredi 8 mai, Laurent Blanc est pourtant sorti de son silence. Dans un long entretien accordé à L'Équipe, l'ancien défenseur des Bleus champion du monde 98 et champion d'Europe 2000 se confie, raconte ses erreurs, ses déceptions, son expérience, mais également les bons moments durant ces deux années à la tête du onze tricolore... Et annonce qu'il prendrait bien place à nouveau sur un banc.
Didier Deschamps, l'entente pas très cordiale
"Le football me manque, il me manque vraiment. Après, pour ce qui est de l'environnement du football, je ne peux pas en dire autant", commence Laurent Blanc. Outre les banalités habituelles sur son passage chez les Bleus, son année sabbatique passer à jouer au golf, profiter de sa famille, sans jamais lâcher le football, l'entretien est également l'occasion pour Laurent Blanc de s'expliquer sur son départ tumultueux de la sélection, sa brouille avec Noël Le Graët, son éviction programmée et le fait qu'il ait pris les devants au moment de partir, la proposition de renouvellement de contrat n'ayant jamais été déposée sur son bureau, malgré l'objectif atteint d'une qualification à l'Euro 2012.
Mais plus que tout, ce sont les relations avec les hommes qui sont au centre de cet entretien. Et notamment celle avec Didier Deschamps, sélectionneur remplaçant à qui la rumeur prête l'idée qu'il aurait fait en sorte que Laurent Blanc soit évincé à son profit. Pour preuve, sa démission si peu de temps avant la sienne... Autant dire que les deux hommes ne "partiront pas en vacances ensemble", comme le confiait DD. "Je ne suis jamais parti en vacances avec lui, donc, de ce côté-là, rien ne change", confirme Laurent Blanc. Et celui-ci de rester très mystérieux quant à leur relation. "Quand, à un moment donné, tu penses que quelqu'un t'en veut, c'est que tu penses qu'il a peut-être des raisons de t'en vouloir, non ?", répond-il lorsqu'on lui demande s'il en veut à son successeur, avec qui il n'a toujours pas eu de franche explication, contrairement aux propos de l'intéressé : "Depuis qu'il est sélectionneur, je ne l'ai jamais eu au téléphone. On a fait un match ensemble, mais ce n'était pas l'endroit pour discuter... Et s'il y a une explication entre Didier Deschamps et moi, elle ne se fera pas par l'intermédiaire des médias."
Les joueurs tricolores visés
Didier Deschamps n'est pas le seul à être la cible de Laurent Blanc. Sans jamais les nommer, l'ancien sélectionneur n'hésite pas à critiquer certains des joueurs qu'il avait sous ses ordres. Et entre les lignes et les propos amers, on devine les noms d'Hatem Ben Arfa, Samir Nasri, Jérémy Ménez, Yann M'Vila, tous sanctionnés pour leur comportement durant l'Euro, mais également Patrice Evra, meneur de la révolte de Knysna, suspendu 5 matches mais "sauvé" par Laurent Blanc...
Fustigeant le comportement "d'une minorité de joueurs" ayant entraîné la défaite des Bleus, l'homme retire tout de même du positif de cette compétition et des sanctions qui ont suivi. "Ce qu'il s'est passé à l'Euro est très profitable pour la suite, j'en suis convaincu. Parce que ces gens-là se sont éliminés d'eux-mêmes", explique Laurent Blanc, qui a pourtant tout tenté avec certains joueurs : "Mais je vais vous dire : les joueurs, quand vous les prenez en tête à tête, il n'y a jamais de problème. Jamais. Après..."
Ben Arfa ? "Manque de respect", lance, lapidaire, Le Président, qui avait pourtant pris la décision de le garder au sein de la maison bleue après un accrochage dans les vestiaires suite au match perdu face à la Suède, tout en reconnaissant que "parfois, à l'intérieur, tu as les fils qui se touchent et tu as envie de..." Puis Laurent Blanc évoque l'affaire Samir Nasri, coupable d'un sympathique "ferme ta gueule" à l'endroit des journalistes, avant d'en insulter un autre en zone mixte. "J'espère qu'on l'a bien gérée, confie-t-il. Mais après, tu es face à une génération à laquelle tu dois t'adapter : tu peux leur parler, tu peux penser qu'ils ont compris mais, en fait, ils sont capables de te péter dans les doigts."
On sent ainsi une forme de résignation face à certains comportements, comme avec Samir Nasri, qui après son premier dérapage avait reçu le soutien du staff des Bleus. Mais malgré les mises en garde, le joueur de Manchester City avait de nouveau dérapé... "Après, il se passe ce qu'il se passe. Que veux tu faire ?" Pour autant, pas un joueur n'a mal parlé à Laurent Blanc. "Qui m'a manqué de respect, oui, précise-t-il tout de même. Mais par son attitude, pas par ses mots." Une période inévitable selon lui, qui permet aujourd'hui à l'équipe de France de se reconstruire loin de certains et de leurs attitudes négatives pour le collectif.
Patrice Evra, entre incompréhension et colère
Pourtant, quelques-uns sont passés au travers des mailles du filet, et on eu le droit à une seconde chance, à l'image de Patrice Evra... "Ce qui me désole, c'est qu'il m'a remercié, qu'il avait conscience que ce n'était pas facile de le rappeler, et que, quelques mois plus tard, il dit des choses pareilles", commente l'ancien sélectionneur, qui revient sur les propos du joueur de Manchester United, écarté du dernier match de l'Euro. "Je n'avais pas digéré de ne pas avoir joué l'Espagne à l'Euro (0-2 en quarts de finale, le 23 juin), donc j'ai pris ma revanche le mois dernier (1-1, le 16 octobre, en qualification pour la Coupe du monde 2014). L'Euro m'a fait beaucoup de mal. J'ai essayé de parler avec l'intéressé, mais je n'ai pas réussi à obtenir d'explications", avait-il notamment déclaré.
"Patrice, j'ai conservé ses SMS, répond Laurent Blanc. Je les lui montrerai quand je le verrai. C'est comme ça, les gens." Et de poursuivre : "On se rencontrera, on se recroisera et je n'aurai pas besoin d'un micro pour lui expliquer ce que je ressens. C'est facile de parler. Mais tu ne peux pas effacer ce que tu as dit à la personne, surtout quand il y avait des gens autour (...) Il voulait savoir pourquoi il ne jouait pas ? Il n'avait qu'à venir me voir."
Mais aujourd'hui, Laurent Blanc ne regrette rien. Et souhaiterait retrouver un banc, malgré tout : "J'ai connu des galères, j'ai perdu mon père, l'équipe a été privée d'Éric Abidal, ce qui a été très important, cela n'a pas été facile mais j'ai vécu les choses intensément, et c'est pour cela que le football me manque."
Laurent Blanc, un entretien à retrouvé dans L'Équipe du 8 mai