À la rentrée, Laurent Ruquier sera aux commandes des Grosses Têtes sur RTL, en lieu et place de Philippe Bouvard, quittant ainsi les ondes d'Europe 1 après quinze ans de bons et loyaux services. Alors qu'il quitte son petit confort pour ce sacré challenge que constitue le fait de reprendre une émission mythique, de surcroît empreinte de la patte de l'incontournable Bouvard, Laurent Ruquier a décidé de se dévoiler un peu plus à ses auditeurs à travers une autobiographie, Radiographie (Le Cherche Midi), à paraître le 19 juin.
L'occasion pour le célèbre journaliste et producteur de revenir sur son enfance dans un HLM du Havre, et plus largement sur le milieu d'où il est originaire. En avant-première pour le magazine Le Point, Laurent Ruquier évoque quelques passages de son bouquin et parle également de l'homosexualité, du mariage gay, de la montée du FN ou encore d'Eric Zemmour.
"Je peux me sentir en décalage avec des gens de ce métier, nés dans un milieu déjà favorisé"
C'est ce changement de radio qui lui a donné envie de se livrer un peu plus sur ses origines. "Ça fait quand même vingt-cinq ans que je fais ce métier et je ne me suis pas tant confié que ça, déclare-t-il. On peut avoir une image fausse de moi, croire que tout m'est arrivé tout cuit, que je suis un bobo qui ne sait pas ce que signifie vivre modestement." Car l'histoire de Ruquier est bien loin de cela. Né dans un milieu très modeste, il a vécu dans un HLM au Havre et passait ses vacances d'été au pied de ces gros bâtiments quand grand nombre de ses copains de l'époque partaient en vacances. Garde-t-il encore des complexes de classe ? Il répond : "Toujours, je peux me sentir en décalage avec des gens de ce métier qui sont nés dans un milieu déjà favorisé. Je sais d'où je viens. On ne quitte jamais sa condition première, elle vous reste collée aux basques." C'est pour cette raison que dans ses émissions, il s'efforce de continuer à rendre la culture accessible et met à point d'honneur à ne pas s'adresser qu'à une petite élite.
Ce décalage, il raconte l'avoir particulièrement ressenti lorsqu'il travaillait sur France Inter. "Je dois à France Inter le fait d'avoir découvert Miossec ou Jean-Louis Murat. J'ai eu accès à la culture tardivement, grâce à ma profession, car mes études de comptabilité ne m'ont pas permis de lire. En revanche à France Inter, j'ai dû parfois cacher le fait qu'on pouvait aussi aimer Stone et Charden", explique-t-il.
L'exil fiscal d'Arthur
Après avoir évoqué la montée du Front national et regretté qu'on ait laissé le champ libre au FN et avoir avoué qu'il appartenait au plus grand parti de France, "les abstentionnistes" - mais il continue de penser qu'il est de gauche - Laurent Ruquier, à la demande du journaliste du Point, revient sur l'exil fiscal de son confrère Arthur en Belgique. "Je n'ai pas suffisamment d'informations pour juger. Chacun fait ce qui lui plaît tant que c'est dans la légalité, répond Ruquier. Personnellement, j'ai toujours dit que j'étais fier de payer des impôts, donc je ne comprends pas l'exil fiscal en général. Même si je paie des sommes énormes, il m'en reste plus que ce qu'il m'est nécessaire et je ne me prive de rien !"
Eric Zemmour et son amour des "sociétés homogènes"
Eric Zemmour s'est fait connaître du grand public en devenant l'un des cerbères de Ruquier dans On n'est pas couché, aux côtés de Michel Polac, lors de la première saison, puis d'Eric Naulleau. Un cerbère plus que polémique devenu rapidement un véritable phénomène médiatique. Aujourd'hui, quand il évoque son fantasme d'une société racialement homogène, refusant ainsi l'immigration, qu'en pense Laurent Ruquier ? "Je n'ai jamais partagé la moindre demi-ligne de ce que racontait Eric. Je pense qu'il est tombé dans sa propre caricature. C'est l'engrenage médiatique qui le rend fou", déclare Laurent Ruquier. Il ajoute : "Cela n'empêche pas que des gens qui n'ont pas vos idées peuvent être extrêmement sympathiques dans la vie. Et j'ai beaucoup de sympathie pour Zemmour, tandis que les actes d'un Eric Naulleau ne correspondent pas forcément à la générosité qu'il affiche dans ses propos..."
L'homosexualité
C'est à la fin des années 90, dans un sketch de son spectacle Encore gentil, que Laurent Ruquier dévoilait son homosexualité au grand public. Dans le documentaire de son ami Gérard Millier, On n'demande qu'à le connaître, celui qui partage sa vie avec son compagnon Benoît - avec lequel il est pacsé - confiait : "C'était gonflé de le faire sur scène. Mais je l'aurais fait de toute façon. Ça m'a libéré, transformé ! Il faut être le plus possible en accord avec ce que l'on ressent." A-t-il souffert de cette différence sexuelle dans sa jeunesse ? Le journaliste de 51 ans répond : "Je ne savais pas moi-même que j'étais homo, donc les autres ne pouvaient pas le savoir. Dans ces années-là au Havre, dans une famille ouvrière, les seuls homosexuels que je connaissais étaient Michel Serrault dans La Cage aux folles, et le transformiste Zaza Blonders. Je ne pouvais pas imaginer ni comprendre ce qu'était l'homosexualité."
Chloé Breen
Une interview à retrouver dans son intégralité dans Le Point, ce 12 juin 2014
Radiographie, autobiographie de Laurent Ruquier, aux éditions du Cherche Midi, le 19 juin 2014 en librairie.