Au lendemain d'un premier rendez-vous jeudi avec les lauréats des Prix Princesse des Asturies 2015, à l'occasion d'un concert et d'un dîner, et quelques heures après s'être réunis avec eux le jour même en audience à l'hôtel Reconquista, le roi Felipe VI et la reine Letizia d'Espagne retrouvaient avec joie vendredi soir Francis Ford Coppola et les autres heureux élus de cette promotion pour la grande cérémonie de remise de ces récompenses qui appuient le travail de la fondation du même nom en faveur du patrimoine asturien.
Les prix étrennaient cette année leur nouveau nom, mais Felipe et Letizia sont rompus à l'exercice, qu'ils assument depuis des années : avec l'avènement du nouveau souverain, les prix anciennement appelés Prince des Asturies sont en effet devenus les prix Princesse des Asturies, Leonor, fille aînée du couple, ayant succédé à son père à la position d'héritière du trône liée à cette principauté. Elle est par la même occasion devenue présidente d'honneur de la fondation créée par Felipe en 1980.
A quelques jours de son 10e anniversaire, et malgré son aisance croissante en public, il n'est pas encore temps pour Leonor de se mêler à la fête. Ses parents étaient toutefois secondés vendredi soir à Oviedo par la reine Sofia d'Espagne, rentrée de New York où elle s'est vu décerner par le World Monuments Fund le prix Adriano en reconnaissance de ses efforts pour la préservation et la diffusion de l'héritage culturel espagnol et ibéro-américain.
Au Théâtre Campoamor, le trio royal a fait une arrivée remarquée quelques minutes avant le début de la cérémonie prévu à 18h30, posant sur le tapis bleu, couleur emblématique des Asturies, sous les acclamations d'un public nombreux avant de pénétrer dans le somptueux édifice. Letizia d'Espagne, fan de cinéma qui avait eu le plaisir de côtoyer la veille - superbe en combinaison noire Felipe Varela - Francis Ford Coppola lors d'un événement qui lui était consacré au Théâtre Jovellanos de Gijon, était superbe - en Felipe Varela à nouveau -, vêtue d'une jupe à volants en dégradé et d'un haut en soie noir sans manches, parée de perles (collier et boucles d'oreilles) et les cheveux noués derrière la nuque. Sa mère Paloma Rocasolano, dont le papa est décédé il y a quelques semaines, assistait une nouvelle fois à la cérémonie, regardant sa fille avec fierté une fois dans la salle, lorsque celle-ci s'avançait vers l'estrade ; on se souvient, dans les mêmes circonstances, des gestes tendres que mère et fille avaient échangés lors de l'édition 2014.
Quelque 1 600 invités garnissaient le Théâtre Campoamor, parmi lesquels nombre de figures de la vie politique (et notamment le maire d'Oviedo, qui a remercié le couple royal de son engagement indéfectible auprès de la principauté), mais aussi du showbiz : l'actrice Maribel Verdu, avec son époux le producteur Pedro Larrañaga, a ainsi pu assister à la consécration de Francis Ford Coppola, qui la dirigea face à Vincent Gallo et Carmen Maura dans le drame Tetro (2009). Le monumental cinéaste américain, âgé de 76 ans et facilement repérable avec ses... chaussettes flashy, a reçu le Prix Princesse des Asturies des Arts 2015.
Dans les autres catégories, la cérémonie, retransmise à la télévision, a récompensé Esther Duflo (Sciences sociales), Emilio Lledó Íñigo (Communication et sciences humaines), Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna (Recherche scientifique et technique), Leonardo Padura (Littérature), Wikipedia (Coopération internationale), ainsi que les frères superstars du basket Pau et Marc Gasol (Sport). Ces derniers étaient les grands absents de la soirée - Felipe, qui les adore, a eu le plaisir de fêter avec eux en France leur récent titre de champions d'Europe - en raison de la reprise de la saison en NBA, mais ils n'ont pas manqué d'enregistrer une petite vidéo pour l'occasion, publiée sur les réseaux sociaux.
Le roi Felipe VI a profité de l'événement et des enjeux culturels qu'il défend pour prononcer un discours aux fortes résonances politiques, appelant à ne pas ériger des "murs émotionnels" et mettant en garde contre des divisions qui "appauvrissent et isolent", à l'heure où les indépendantistes catalans veulent lancer le processus menant à la sécession. "Lorsque l'on encourage les divisions, quelque chose de très profond se casse en nous-mêmes, dans notre être profond, dans nos coeurs. Personne ne devrait construire des murs sur une base émotionnelle, a-t-il déclaré. Un peuple n'est jamais sorti grandi de ses divisions, celles-ci ne font que l'appauvrir et l'isoler. Epargnons-nous les fractures sociales qui sont si dommageables", a-t-il souligné. Si la Catalogne n'était pas nommément évoquée, nul doute que la teneur de cette allocution, trois jours avant la formation prévue d'un nouveau Parlement régional catalan après les élections du 27 septembre dernier, était inspirée par ce contexte...