Western Love voulait l'amour, pas la guerre, mais YouTube en a décidé autrement. Le site de partage de vidéos ne s'est pas longtemps posé la question de savoir si c'était de l'art ou du cochon et a censuré il y a quelques jours le clip érotico-vintage de ce morceau inédit offert au public par Mareva Galanter en attendant son prochain album et simultanément à son arrivée sur le petit écran pour le magazine Sex Crimes sur 13eme Rue, dont le générique n'est autre que... Western Love.
YouTube sur ses grands chevaux contre le nu artistique
Le crime du clip de Western Love ? Etre trop sexuel, justement. "YouTube n'est pas destiné à la pornographie ni au contenu à caractère sexuel. Si cela décrit le type de contenu de votre vidéo, même s'il s'agit d'une vidéo de vous-même, ne la postez pas sur Youtube", a expliqué au site lepoint.fr Google, propriétaire de YouTube, renvoyant vers les règles de la communauté du site. Une position manichéenne que Mareva Galanter ne comprend pas, confiant avoir été "très surprise" de voir la vidéo disparaître six jours après sa mise en ligne sans avoir été prévenue. Une incompréhension doublée d'une vraie déception : celle de voir censurer ce qui lui apparaît être "une oeuvre-hommage, plus qu'un clip commercial". Et de marteler : "Oui, c'est la censure d'une oeuvre, celle du réalisateur à qui j'ai fait appel, Nicolas Perge, qui a une grande culture cinématographique."
Il faut effectivement avoir un certain bagage pour aller à la pêche aux images au coeur des années 1940 dans le passé alors glorieux de l'héroïne de série B Ann Savage, et simultanément du côté d'années 1960 débauchées sous la forme d'un improbable western érotique. Du bagage, et de l'idée, pour entremêler les deux mondes et en tirer un scénario assez remarquable. Dans Western Love, Nicolas Perge utilise des séquences de Renegade Girl (1946), dans lequel la très blonde Ann Savage jouait face à Alan Curtis un an après avoir gagné ses galons pour la postérité avec son rôle machiavélique dans Détour (1945), film d'Edgar G. Ulmer devenu culte, et en emprunte d'autres, reconnaissables à leur tonalité hippie et sexuelle (danse et baignade à nu, peinture sur corps, saphisme, sado-masochisme), à Ramrodder (1969), un western "pour adultes" réalisé par un certain Ed Forsyth sous le pseudonyme de Van Guylder. Le montage s'avérait particulièrement intéressant et signifiant lorsque Nicolas Perge faisait de Jean Shelby (personnage d'Ann Savage dans Renegade Girl) la spectatrice répugnée d'une séance de flagellation d'une captive nue et ligotée extraite de Ramrodder. Mise en abyme du cinéma, hommage à "l'icône et légende" Ann Savage (qui se signala en fustigeant la suprématie masculine de l'âge d'or hollywoodien et les rôles de faire-valoir réservés aux femmes), décédée en 2008 (quelques mois après être réapparue dans My Winnipeg, un docu-fiction surprenant et acclamé de Guy Maddin), ou encore simple tour de force de cinéphile : les lectures de Western Love sont multiples, l'intérêt certain.
"Inquiétant", pour Mareva Galanter
Un intérêt que Mareva Galanter entend bien défendre, contre la charte de YouTube, avec des arguments : "Il a utilisé des images d'archives trouvées, comme d'autres artistes tels que Martin Arnold ou Peter Tsherkhassky, qui font aussi du cinéma expérimental. On a voulu aller au-delà de l'archétype du western en voulant créer une oeuvre originale à partir d'images existantes. (...) Il me paraît inquiétant que près de 40 ans après la légalisation des films pornographiques par Michel Guy, ministre de la Culture sous Valéry Giscard d'Estaing, une oeuvre avec des images d'archives 'artistiques' des années 1960 ou 1940 puisse être censurée... Nous sommes en pleine dystopie."
Parallèlement à sa disparition de YouTube, Western Love a surgi sur d'autres plateformes de partage, telles que Dailymotion ou Vimeo. Les partisans de Mareva, entre deux messages de voeux pour son anniversaire (33 ans le 4 février), s'en sont réjouis sur son compte Twitter, en constante effervescence. Depuis, on a pu y découvrir un autre savoureux clip, moins sujet à caution, puisqu'elle a republié la vidéo de son concert improvisé dans un aéroport - une version mélodramatique de Mala Vida, une cabine téléphonique pour accessoire - qu'elle avait donné en 2010 avec la géniale Liset Alea, sa complice de Nouvelle Vague.