Riche en "fils de...", en distributions chic et en tandems choc, la rentrée théâtrale 2010 met notamment à l'honneur Mélanie Doutey, véritable grain de fraîcheur de la nouvelle génération d'acteurs, et Jacques Weber, homme de théâtre d'une envergure telle qu'on renoncerait à le présenter, de peur de ne pouvoir tout embrasser.
Cette association inattendue de l'ex-héroïne de Clara Sheller, 32 ans, et du mythe de 61 ans qui s'illustrait "Seul en scène" à Marigny il y a encore quelques mois, c'est au metteur en scène allemand (installé en France) Hans-Peter Cloos qu'on la doit. Et, surtout, c'est dans l'univers complexe du Norvégien Henrik Ibsen, une dramaturgie de l'intimité pleine de tensions, de hantises, de silences, de tropismes, de subtilités, de dit et de non-dit, de folie douce ou pas, qu'elle naît...
Au théâtre Hébertot, le duo (avec Thibault Lacroix, Jacques Marchand, Nathalie Niel) donne Solness le constructeur, pièce qui succéda la sulfureuse Hedda Gabler, et qui observe l'angoisse dévorante dont Solness (Weber) souffre, voyant les jeunes générations menacer son empire et décréter par leur seule existence la mort de sa propre jeunesse...
Armelle Héliot, pour Le Figaro, a décrypté sans trop en dire les rouages à l'oeuvre, s'attachant à mettre en évidence le relief conféré aux personnages par leurs interprètes : elle a vu une Mélanie Doutey "merveilleuse", "irréelle" dans son retour, dix ans après, dans la vie de Solness, qui livre une composition d'une délicatesse propre à tracer les contours du monstre joué par Jacques Weber, lequel, "interprète de haut lignage, allie candeur et égoïsme : il a des douceurs d'enfant, une carrure à écrabouiller le monde, un délire, des pensées qui ont empoisonné sa vie. Dans la retenue, sans démonstration, il impose ce personnage fascinant face à une Mélanie Doutey vive et délicieuse, instrument du désastre."
Dans Le Parisien, chacun de ces deux protagonistes livre son sentiment sur son partenaire. La compagne de Gilles Lellouche appréciait déjà le côté "citoyen" de Weber : "Je suis d'une génération un peu trouillarde qui ne s'engage pas. Là, je découvre en plus sa fougue, sa passion, son plaisir du jeu." Quant au monstre sacré : "Mélanie, je l'avais vue dans Il ne faut jurer de rien : le film était très mauvais, mais elle, elle était magnifique (...) Mélanie a une telle authenticité solaire, une telle promesse de bonheur et de progrès, qu'elle sera une grande actrice, si les petits cochons ne la mangent pas !"
G.J.