"Michel Legrand c'est la vie. La mort n'a rien à faire là-dedans", a asséné, sonné, le journaliste musical Christophe Conte dans un tweet chagrin en réaction à la disparition du compositeur de génie, avant de s'attacher à lui rendre un hommage hors des sentiers battus - "en 5 thèmes méconnus" - pour Libération. Et il est est vrai que, depuis l'annonce du décès de Michel Legrand, qui s'est éteint à 86 ans dans la nuit du 25 au 26 janvier 2019 auprès de son épouse adorée Macha Méril, c'est la vie, qu'on parle de sa musique éternellement jeune ou de sa personnalité incessamment happée par l'avenir, qui triomphe, dans tous les témoignages parus. Pour Nice-Matin, Didier van Cauwelaert en a raconté l'une des plus belles tranches.
L'écrivain et dramaturge a en effet été le témoin privilégié, et même "l'entremetteur... en scène" comme il s'amuse à le dire, du retour de flamme de Michel Legrand et Macha Méril, près de cinquante ans après leur premier coup de foudre. Celui-ci avait eu lieu en 1964 à Rio de Janeiro lors d'un festival de cinéma où l'un et l'autre étaient venus défendre un film (Les Parapluies de Cherbourg pour lui, Adorable menteuse pour elle) : "Notre amour a été fulgurant, mais chaste. On s'embrassait beaucoup, mais Michel avait une femme [Christine Bouchard, NDLR] et deux enfants. Moi, je devais me marier quelques mois plus tard", racontait Macha en 2015 au Nouvel Obs, alors que la passion avait rejailli de ces anciennes braises.
Et j'ai assisté, en direct, au fait qu'il retombe amoureux de Macha Méril cinquante ans après
Il a suffi d'un heureux hasard, que Didier van Cauwelaert relate joliment : "C'était en 2013 je crois, au Théâtre des Bouffes Parisiens, on jouait ma pièce Rapport intime avec Macha Méril et Alain Sachs. Michel est venu un soir et nous sommes allés dîner avec les comédiens. Et j'ai assisté, en direct, au fait qu'il retombe amoureux de Macha Méril cinquante ans après. Ils s'étaient à peine recroisés depuis leur premier coup de foudre. Et là, ils tombent dans les bras l'un de l'autre. Dans les jours qui ont suivi, je recueillais les confidences de Michel. Il était comme un gamin. Je recevais les demandes de sa part et de la part de Macha. J'étais l'entremetteur... en scène, si je puis dire."
Entre ces tourtereaux-là, tout était question "d'harmonie", comme le souligne l'auteur d'Un aller simple et de L'Apparition, choisissant un terme qui sied bien au compositeur des Demoiselles de Rochefort et des Moulins de mon coeur : "J'ai connu Michel avec des femmes formidables et très courageuses. Il n'était pas marrant dans la vie quotidienne, comme tous les passionnés dont la création passe avant tout. Avec Macha, ils étaient aussi invivables l'un que l'autre et mis en présence c'était l'harmonie parfaite ! C'était un bonheur de les voir." Le couple s'était marié en 2014, civilement à Monaco puis religieusement à Paris, et ne faisait pas de secret, depuis, de son amour fusionnel.
Confirmant que Michel Legrand "ne parlait jamais du passé" et "était toujours tourné vers l'avant", Didier van Cauwelaert, qui l'avait connu en 1986 par l'entremise de Jean-Claude Brialy, avait encore de beaux projets avec lui, plus de vingt ans après leur succès conjoint avec l'adaptation à succès du Passe-muraille de Marcel Aymé : "Nous avons écrit un autre spectacle musical, L'Amour fantôme, qui sera créé à titre posthume", annonce l'écrivain, qui avait confié l'an dernier à Michel Legrand la musique de son film J'ai perdu Albert, adapté de son propre roman. "C'est une énergie qui manque et, en même temps, quel bonheur et quelle chance j'ai eus d'avoir cette amitié d'un des plus grands génies du siècle", conclut-il avec émotion.