Le segment In Memoriam de la 91e cérémonie des Oscars, dans tout juste un mois, comportera hélas le nom d'une icône française : Michel Legrand, trois fois primé lors de la grand-messe du cinéma, est mort dans la nuit vendredi 25 au samedi 26 janvier 2019, à l'âge de 86 ans. C'est si jeune, pour un homme qui était encore animé d'une telle vitalité créatrice...
Le fameux compositeur, créateur entre beaucoup d'autres des thèmes des films Les Parapluies de Cherbourg et Les Demoiselles de Rochefort, "s'est éteint chez lui à 3h du matin aux côtés de son épouse la comédienne Macha Méril", a indiqué son attaché de presse à l'AFP. Le couple s'était marié en 2014, près de quarante ans après leur premier béguin. Entre-temps, Michel Legrand avait été marié à deux reprises (avec Christine Bouchard puis Isabelle Rondon) et avait vécu avec la harpiste Catherine Michel. Il était le père de quatre enfants, deux filles et deux garçons : Dominique Rageys (66 ans), Hervé Legrand (59 ans), Benjamin Legrand (56 ans) et Eugénie Angot (48 ans).
La disparition de Michel Legrand, quelques semaines après celle de Francis Lai, survient alors qu'il devait monter en avril prochain sur la scène du Grand Rex à Paris pour donner deux concerts événements en compagnie de l'accordéoniste Richard Galliano, la soprano Natalie Dessay, le compositeur Michel Portal et le guitariste Sylvain Luc.
D'abord accompagnateur et arrangeur pour des chanteurs, Michel Legrand avait commencé à composer des musiques de films dans les années 60 avec l'émergence de la Nouvelle vague, travaillant pour Agnès Varda, Jean-Luc Godard, et surtout son complice préféré Jacques Demy. Outre les musiques des Parapluies de Cherbourg et des Demoiselles de Rochefort, qui ont lancé la comédie musicale à la française, on lui doit aussi celle de Peau d'âne, qui connaît depuis novembre dernier (et jusqu'à la mi-février) une adaptation à la scène au théâtre Marigny, pour laquelle il avait d'ailleurs créé spécialement des musiques supplémentaires. Il avait d'ailleurs assisté à la première, à l'occasion de la réouverture de Marigny, recevant une ovation longue de vingt minutes ; ce fut son ultime apparition publique.
En pleine gloire, il avait décidé de s'installer aux États-Unis en 1966. Il s'était vu confier par Henry Mancini, grand compositeur pour le cinéma, l'opportunité d'écrire la musique de L'affaire Thomas Crown, qui lui valut en 1969 le premier de ses trois Oscars (pour la chanson Les moulins de mon coeur), suivi en 1972 par Un été 42 et en 1984 par Yentl.
Parmi les toutes premières réactions, l'AFP a recueilli celle de son confrère Vladimir Cosma, qui, en quelques mots, en a dressé un portrait saisissant et fidèle : "Pour moi, il est immortel, de par sa musique et sa personnalité. C'était une personnalité tellement optimiste, avec une sorte de naïveté dans l'optimisme, il voyait tout en rose !" Mais aujourd'hui est bien un jour noir pour les arts.