La Pologne a rendu le 19 octobre un dernier hommage au maître de son cinéma, Andrzej Wajda, inhumé à Cracovie. Le célèbre metteur en scène polonais est mort le 16 octobre à Varsovie à l'âge de 90 ans. Décédé d'une insuffisance pulmonaire, il était hospitalisé depuis plusieurs jours et se trouvait dans un coma pharmacologique. La journaliste Grazyna Torbicka, les comédiens Mieczyslaw Grabka, Agata Buzek et Krystyna Janda ou encore l'homme d'état Bogdan Borusewicz ont fait la déplacement.
"Trois générations ont été élevées par les films de Wajda. Pour des millions de Polonais, moi y compris, vous vivrez toujours dans vos oeuvres cinématographiques indestructibles", a écrit Lech Walesa dans une lettre lue avant la messe de funérailles. Cinéaste engagé, il avait réalisé une cinquantaine de films mettant en scène l'histoire contemporaine de son pays. Son film Kanal sur l'insurrection de Varsovie lui avait valu le prix spécial du jury au festival de Cannes. De retour sur la Croisette en 1981, il avait reçu la Palme d'or pour L'Homme de fer.
Le réalisateur du Pianiste, Roman Polanski, a lui aussi envoyé une lettre : "Je suis désolé de ne pouvoir participer personnellement à ce dernier adieu en raison des circonstances", a-t-il écrit, faisant allusion à la procédure d'extradition vers les Etats-Unis, relancée par un appel extraordinaire du ministre polonais de la Justice et dont l'examen est en cours à la Cour suprême. Polanski a évoqué son amitié de plus de soixante ans avec Wajda, qui l'avait impressionné par "son énergie juvénile et son audace, qu'il a gardées jusqu'à la fin". "Ton amour de la vérité, de l'authenticité, ton attention portée au moindre détail m'ont fait une grande impression et ensuite j'ai essayé de t'imiter", a écrit le réalisateur de La Vénus à la fourrure.
Le président polonais Andrzej Duda, qui n'était pas venu à la messe célébrée pour Wajda mardi à Varsovie, était présent ce mercredi 12 octobre à l'église des Dominicains à Cracovie, mais n'a pas pris la parole. Andrzej Wajda étant proche de l'opposition actuelle, ses vues politiques ont été évoquées en pointillé par le président des éditions catholiques, Znak Henryk Wozniakowski. "Ceux qui avaient le privilège de le rencontrer en privé savaient avec quel courage il résistait au poison de l'amertume qu'il ressentait ces temps derniers face à la politique et la vie publique, qui étaient à l'opposé de ses espoirs et de sa vision de la Pologne", a dit Wozniakowski.
L'ancien chef de l'Etat Bronislaw Komorowski, a regretté devant les journalistes que la Pologne n'ait pas offert à Wajda de funérailles nationales, "qu'il avait méritées mille fois". "Il avait été mon maître pendant de longues années, et à la fin il est devenu mon frère aîné plein de sagesse", a confié, visiblement ému, l'acteur Daniel Olbrychski, qui a tourné dans treize films de Wajda.
L'urne contenant les cendres du cinéaste, couverte par un bouquet de roses rouges, a été déposée dans le tombeau de sa famille au cimetière de Salwator, sur une colline verte dans la partie ouest de Cracovie.