Moins de trois semaines seulement après avoir annoncé via sa page Facebook qu'il était atteint d'un cancer du pancréas, l'écrivain Pat Conroy est mort vendredi 4 mars 2016. Le romancier américain, dont l'ouvrage Le Prince des marées a notamment été porté à l'écran avec succès (sept nominations aux Oscars), s'est éteint à l'âge de 70 ans à son domicile de Beaufort, en Caroline du Sud, selon le quotidien local Beaufort Gazette.
"Nous aimerions qu'il puisse vous dire une fois de plus "Salut la compagnie", ont écrit il y a quelques heures ses proches sur sa page Facebook en référence au funeste message qu'il y rédigeait le mois dernier, mais nous sommes sa famille, ses amis et ses lecteurs, et nous sommes submergés par la douleur et la tristesse. Pat Conroy a quitté ce monde le vendredi 4 mars 2016 à 19h42, entouré par sa famille et ses amis à son domicile de Beaufort, d'où il pouvait voir ces marécages qu'il aimait tant. Il n'y a que peu de personnes dont la seule existence rend la vie supportable pour nous autres, par sa grâce, sa sagesse et son sens de la compréhension. Pat était un homme de cette trempe. Dire qu'il va beaucoup nous manquer, c'est le plus immense des euphémismes."
Le 15 février dernier, l'auteur acclamé du Grand Santini - autre romana dapté au cinéma, avec Robert Duvall - et habitué du palmarès des best-sellers du New York Times partageait lui-même la mauvaise nouvelle de son diagnostic : "Salut la compagnie ! J'ai fêté mon 70e anniversaire en octobre et je me suis rendu compte que j'ai passé toute ma vie d'écrivain à essayer de découvrir qui je suis sans, je crois, ne serait-ce que m'en approcher. C'est à Beaufort, en admirant le virage sinueux d'une rivière et les mouvements de ses vagues fières comme des dauphins que j'ai commencé à me découvrir et que ma vie a commencé, à l'âge de 15 ans. On m'a récemment diagnostiqué un cancer du pancréas. Avec l'aide des merveilleuses équipes du M.D. Anderson [grand centre de cancérologie à Houston, NDLR], j'ai l'intention de le combattre de toutes mes forces. Je suis reconnaissant à tous mes lecteurs bien-aimés, à mes amis et à ma famille pour leurs prières. Je vous dois un roman et j'ai l'intention de vous le livrer."
Dans un ultime message publié sur la page d'accueil de son site Internet officiel, il réitérait à ses lecteurs bien-aimés sa promesse de se battre vaillamment : "Beaucoup d'entre vous partagent leurs propres récits de leur combat contre le cancer. Je vais essayer de ne pas vous décevoir. Tout mon amour et toute ma gratitude pour être à mes côtés." Hélas, tout son courage et tout le soutien reçu n'auront pas suffi...
Marié trois fois, Pat Conroy laisse derrière lui son épouse Cassandra, deux filles et sept petits-enfants.
Né le 26 octobre 1945 à Atlanta, en Georgie, aîné d'une fratrie de sept et fils d'un colonel des Marines servant comme pilote de chasse, Patrick Conroy a vécu durant toute sa jeunesse la vie des familles de militaires, baladées d'une base à l'autre. Cet environnement instable et le comportement violent de son père, physiquement et psychologiquement, envers ses enfants, transparaissent clairement dans son oeuvre, en particulier dans Le Grand Santini, son premier roman, publié en 1976 : le personnage central, un pilote de chasse de la Marine qui terrorise sa famille, y est directement inspiré de Donald Conroy Sr. - et encore, l'original, sleon l'autobiographie de l'auteur, My Losing Season, était encore pire que son double de fiction. Le livre secoua sérieusement la famille, certains membres reprochant à l'auteur de divulguer des affaires privées et perturbant sa commercialisation, mais eut aussi pour effet de rapprocher le fils et le père, qui changea radicalement en réaction à son portrait peu flatteur, porté à l'écran par Robert Duvall en 1979 dans le film éponyme. En 2013, quinze ans après la mort du paternel, leur réconciliation était racontée dans La Mort de Santini.
Auparavant, Pat Conroy, passé par le Collège militaire de Caroline du Sud (théâtre de son roman The Lords of Discipline, en 1980), avait publié ses deux premiers ouvrages : The Boo, recueil d'anecdotes de la vie de cadet à l'école The Citadel que les anciens de l'établissement n'ont guère apprécié (en 2000, Conroy a toutefois obtenu un diplôme d'honneur et été invité à inaugurer la nouvelle année scolaire), et The Water is Wide, inspiré de son expérience de professeur dans une école sur Daufuskie Island, suite à son premier mariage - avec Barbara, veuve d'un militaire tué au Vietnam et mère de deux enfants. Viré au bout d'un an en raison de ses méthodes jugés non conventionnelles (notamment son refus des châtiments corporels) et son manque de respect de l'administration, le récit tiré de cette expérience, également adapté à l'écran (avec Jon Voight) en 1974, lui vaudra un prix humanitaire de la National Education Association.
En 1986, Pat Conroy publie The Prince of Tides (Le Prince des marées), l'histoire d'un professeur de Caroline du Sud au chômage qui va à New York aider la psychiatre de sa soeur jumelle suicidaire. Au grand écran, Nick Nolte et Barbra Streisand portaient en 1991 l'adaptation signée par cette dernière en personne et récompensée par sept nominations aux Oscars (dont Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur acteur).
En 1995, les mêmes thèmes hantaient Beach Music, centré sur le retour d'un expatrié américain en Caroline du Sud à l'annonce de la maladie en phase terminale de sa mère.
En 1999, l'écrivain américain changeait de registre et chantait l'amour de la Caroline du Sud dans The Pat Conroy Cookbook, un recueil de recettes de cuisine - comme son titre l'indique - assaisonné d'anecdotes personnelles variées.
Il avait été intronisé en 2009 au Hall of Fame de son Etat adoré.
GJ