Dans la grande love story du show-business et de la politique, deux machines à spectacle, Nancy Reagan demeurera à tout jamais une héroïne : l'ex-épouse du 40e président des Etats-Unis, Ronald Reagan, disparu à 93 ans en 2004, est décédée à 94 ans le dimanche 6 mars 2016 au matin, à son domicile du quartier de Bel-Air à Los Angeles, des suites d'une insuffisance cardiaque. D'abord rapportée par le site TMZ.com, informé par un proche de la famille, la nouvelle a été confirmée officiellement dans un communiqué par Joanne Drake, porte-parole de la Reagan Library.
Deuxième doyenne des ex-first ladies après Bess Truman, qui vécut jusqu'à 97 ans, elle sera inhumée à la Ronald Reagan Presidential Library à Simi Valley, en Californie, au côté de son époux, qui fut lui-même le deuxième président des Etats-Unis en termes de longévité.
L'ancienne starlette de série B devenue première dame classe et influente de la première puissance mondiale, dont les grands yeux et le regard intense ont marqué les esprits, aura eu une trajectoire hors norme, des plateaux et des amourettes hollywoodiennes à la Maison blanche, des critiques sur sa superficialité et son côté supposément snob au respect et à la profonde considération de ses actions, ainsi qu'à une élégance rapprochée de celle de Jackie Kennedy. Son mariage solide avec Ronald Reagan et le soutien indéfectible qu'elle lui manifesta durant ses mandats présidentiels et au-delà occupent une place centrale dans cette histoire.
Née Anna Frances Robbins à New York le 6 juillet 1921, fille unique d'un père vendeur de voitures et d'une mère actrice qui allaient divorcer en 1928, Nancy, puisque c'est ainsi qu'on la surnomma dès sa venue au monde, a vécu une enfance agitée, confiée aux bons soins d'une tante à Bethesda pendant plusieurs années tandis que sa mère courait les cachets où elle pouvait. Après le remariage de sa mère avec Loyal Davis, un neurochirurgien qui l'adopta en 1935 et qu'elle considéra pleinement comme son père, elle vécut à Chicago, avant de partir pour la Massachusetts, où elle étudia notamment le théâtre.
Quand je dis que ma vie a commencé avec Ronnie, c'est vrai
Elle se destine ensuite à une carrière d'actrice et commence par se rendre à New York, puis, après un bout d'essai, gagne Hollywood. En 1949, elle signe un contrat de sept ans avec la Metro Goldwyn Mayer et entre "dans un monde de rêve", dira-t-elle plus tard. Elle s'y trouve en compétition avec des vedettes telles que Debbie Reynolds ou Janet Leigh et, séduisante mais difficile à imposer, peine à percer. Après une série de petits rôles, la MGM la libère de son contrat dès 1952 : cette année-là, elle épouse Ronald Reagan. Malgré ses talents reconnus par nombre de critiques de cinéma, sa plus grande ambition, comme elle l'affirmait dès 1949, était de réussir "un mariage heureux" : "Je n'ai jamais vraiment été une carriériste, commentera-t-elle en 1975, mais j'en suis devenue une simplement parce que je n'avais pas trouvé l'homme que je voulais épouser. Je ne pouvais pas rester assise à rien faire, alors je suis devenue actrice." Sa dernière apparition au grand écran remonte à 1958 et le film Crash Landing ; dans les années 1990, Albert Brooks tente de l'y faire revenir pour le film Mother (1996), mais elle décline, préférant se consacrer à son époux, atteint de la maladie d'Alzheimer.
En novembre 1949, Nancy Davis, qui a précédemment vécu quelques histoires avec des acteurs dont Clark Gable, rencontre cet homme qu'elle cherchait : Ronald Reagan, qui a divorcé en 1948 de l'actrice Jane Wyman, est alors président de l'association Screen Actors Guild. Le début de leur romance captive la presse du coeur ; le 4 mars 1952, ils se marient dans la discrétion au cours d'une cérémonie simple dans la vallée de San Fernando, avec l'acteur William Holden et sa femme pour témoin et demoiselle d'honneur. En octobre de la même année, Nancy donne naissance à une fille, Patricia (Patti), suivie six ans plus tard d'un garçon, Ronald (Ron). Elle fut également la belle-mère des deux enfants issus du premier mariage de son époux, Maureen (décédée en 2001) et Michael.
Tout au long de leur mariage, Ronald et Nancy Reagan renverront l'image d'un couple extrêmement tendre et attentionné, qui ne cesse jamais d'alimenter la flamme. Il l'appelle "Mommy", elle l'appelle "Ronnie", et ils n'hésitent pas à se témoigner publiquement leur tendresse. En 1998, époque où son mari souffrait déjà de la maladie d'Alzheimer, l'ancienne première dame le résumait très bien au cours d'un entretien avec Vanity Fair : "Notre relation est très spéciale. Quand je dis que ma vie a commencé avec Ronnie, c'est vrai. C'est tout à fait ça. Je ne peux pas imaginer la vie sans lui." A la mort de l'ancien président, Charlton Heston parlera ainsi de la fin de "la plus grande histoire d'amour de l'histoire de la Présidence américaine".
De 1967 à 1975, Nancy Reagan fait sa première expérience de first lady, à l'occasion des mandats de son époux comme gouverneur de l'Etat de Californie. Si le rapide déménagement de sa famille, à son initiative, de la résidence des gouverneurs à Sacramento pour une banlieue cossue fut mal interprété, elle n'en fut pas moins désignée comme la femme de l'année 1967 par le Los Angeles Times, qui l'érige en "modèle" : son élégance, son charisme, son aura glamour font merveille et elle s'implique puissamment dans les activités caritatives et solidaires.
D'abord réticente à ce que Ronald se lance dans la course à la Maison Blanche, soucieuse de sa santé et de sa carrière, elle se mue à la fin des années 1970 en parfait lieutenant, se mettant en retrait et oeuvrant sur la logistique de la chose, mais aussi intervenant occasionnellement. Un rôle qu'elle assume de manière nettement plus visible lors de la seconde tentative, victorieuse celle-là, quatre ans plus tard, son énergie et son assurance se communiquant au candidat. Bis repetita après Sacramento : désolée par l'état de la Maison Blanche lorsqu'ils s'y installent en 1981, Nancy Reagan en dirige les importantes rénovations, faisant appel à des financements privés. "Cette demeure appartient à tous les Américains, et je veux que ce soit quelque chose dont ils puissent être fiers", soulignera alors celle qui acquérera définitivement au cours de cette décennie la réputation d'une fashionista au goût sûr et au style bien trempé, une représentation du chic américain unique en son genre. Toutefois, ce goût pour les belles choses de la "reine Nancy" - y compris un nouveau service en porcelaine de 4 370 pièces pour une valeur totale excédant 200 000 dollars - ainsi que pour les dîners d'Etat tend à nourrir un décalage avec les Américains, en ces temps de récession...
Si Michelle Obama est aujourd'hui la figure de proue de la lutte contre l'obésité et pour l'activité sportive aux Etats-Unis, sous le credo "Let's Move", Nancy Reagan reste la dame du "Just Say No", sa grande campagne de prévention et de sensibilisation contre les drogues fondée sur la compréhension du problème, qui fut son premier grand chantier de first lady. Au fil des ans, elle cumula les kilomètres pour ce combat : "Si on peut sauver ne serait-ce qu'un enfant, ça vaut le coup", disait-elle. Elle confère même une dimension internationale à son action et fait voter un renforcement de la loi anti-drogues, assortie d'un financement important.
De ces années-là reste, profondément ancrée, l'image d'une femme qui veillait comme une louve sur son bien-aimé mari et le secondait tant qu'elle pouvait, d'autant plus après la tentative d'assassinat qui l'avait visé en 1981.
Comme elle l'avait anticipé en 1949, être épouse devait être le rôle de sa vie.
GJ