Nicolas Anelka ne fait pas dans le politiquement correct ; et quand les politiques sont incorrects, c'est pire. Le tacle, côté pré, n'est pas vraiment l'attribut emblématique de sa panoplie technique, mais quand il s'en prend, côté terrain médiatique, il sait très bien les retourner. Manuel Valls et Valérie Fourneyron, les premiers, passent à la cisaille dans une rare interview accordée à Arnaud Ramsay pour Metronews, pour la troisième mi-temps d'une querelle aux airs de quenelle.
Depuis la Coupe du Monde 2010, Nicolas Anelka, pourtant taiseux de nature et de longue date, est l'homme des insultes. La faute à son accrochage avec l'ancien sélectionneur de l'équipe de France Raymond Domenech, rendu public par L'Equipe, en des termes que le footballeur a toujours contestés - et aujourd'hui encore. Un chapitre de plus dans la saga des relations délétères entre Anelka et les médias, et plus particulièrement dans celle de l'inimitié notoire entre l'ancien Parisien et le grand quotidien sportif national, dont il avait giflé un journaliste en 2001. Banni à l'époque de la sélection nationale - et du seul Mondial de sa carrière - après cet écart que Domenech "méritait", selon la manière dont il observe la situation a posteriori, l'ancien Parisien/Gunner/Merengue/Citizen/Blue/Bianconero au parcours chaotique est aujourd'hui sans club. Pas pour des raisons sportives, bien sûr, ni parce qu'il a perdu la flamme. Parce qu'il a célébré un but, le 28 décembre 2013, par une quenelle en "simple dédicace" à son ami, son "frère" même, Dieudonné.
Persiste et signe : "Je suis un vrai, les gens le savent."
Le 14 mars, jour de son 35e anniversaire, Nicolas Anelka annonçait via son compte Twitter sa décision de résilier son contrat avec le club anglais de West Bromwich Albion, évoluant en Premier League, qui avait exigé de sa part des excuses pour le réintégrer. Le onzième de sa carrière. Deux semaines plus tard, la rupture était consommée, et le joueur libre de s'engager ailleurs. Pour autant, l'intéressé n'est pas pressé : kiffer le football et renouer avec l'insouciance et l'amour du ballon, oui ; mais se consacrer à ses enfants, et notamment à sa petite Lina née à l'automne 2013 passe avant, comme il l'a fait valoir auprès du journaliste Arnaud Ramsay, oreille privilégiée de ses rares confidences.
Leur entretien, en fait, était largement consacré à l'affaire de la quenelle, dernière péripétie en date d'une carrière de footballeur souvent déviée par les conflits médiatiques/médiatisés. En ouverture de l'édition du 4 avril 2014 de Metronews, dont Nicolas Anelka fait la une avec assurance (présenté en homme à la ville et non en footballeur), une double page "égayée" d'un croquignolet dessin de presse (le joueur y est représenté faisant une quenelle et déclarant "J'ai des dossiers longs comme ça"), s'ouvre sur le titre "Dieudonné est devenu un frère". D'emblée, on sait que Nicolas Anelka, désavoué par son club et la Fédération anglaise, qui lui a infligé une suspension de cinq matchs et une amende de 80 000 livres, ne désarme pas. Sa ligne de défense n'a guère bougé : son geste n'avait aucune intention religieuse. "En août, j'avais hésité au moment de célébrer un but entre la quenelle ou imiter le geste de Kaaris (un rappeur, NDLR). J'avais choisi Kaaris ! Et donc, ce jour-la, c'était le jour de la quenelle ! (...) C'est bien beau de dire que je suis antisémiste et raciste. Encore faut-il des preuves (...) Il faut arrêter d'être parano et de croire qu'on est tous en guerre ! Les personnes qui font ces gros titres ne connaissent pas ma vie, ni mes fréquentations. Ils ne savent pas que je suis super pote avec Thomas Blumenthal [comédien dans La Crème de la crème, NDLR] (...) J'arrête là parce que je suis en train de me justifier et je déteste ça !"
À la question de ses rapports avec Dieudonné, instigateur de la quenelle et qui lui avait apporté son total soutien dans son conflit avec les instances du foot anglais, il dit sans ambages, sans doute conscient de l'aspect provocateur de son propos : "C'était un ami, c'est devenu un frère aujourd'hui ! Le tribunal (de la Fédé anglaise) m'a demandé s'il restait mon ami, j'ai répondu oui, évidemment. C'est un humoriste, pas un politicien." Droit dans ses bottes, même quand on lui fait remarquer que d'autres sportifs de premier plan ayant été photographiés en train de faire la quenelle avec Dieudonné (Tony Parker, Mamadou Sakho), ont pris leurs distances : "Ce n'est pas à moi de juger. Je fais partie des vrais, les gens le savent."
"Ça, c'est vraiment insupportable !"
Ceux qui, à l'inverse, se sont permis de le juger sans le connaître en prendront pour leur grade. Manuel Valls, monté au front contre Dieudonné avec la dernière énergie (Nicolas Anelka avait réalisé sa quenelle alors même que le ministre de l'Intérieur venait d'interdire le spectacle de l'humoriste), a droit à une pique pleine d'ironie : "Il n'est pas très méchant ! Je pense plutôt qu'il a été sous l'influence de sa femme [la violoniste Anne Gravoin, NDLR], persifle Anelka. J'espère qu'il mettra autant d'énergie à redresser le pays qu'il en a mis à combattre Dieudonné, même si je ne crois pas beaucoup dans les politiciens."
Valérie Fourneyron, en revanche, paye sa sortie ad hominem contre Nicolas Anelka, un "cas" qui l'avait "insupportée" par sa "provocation écoeurante". Et là, l'intéressé n'a plus beaucoup d'humour, concernant la désormais ex-ministre des Sports dont le court mandat a été émaillé de plusieurs boulettes édifiantes sur sa (mé)connaissance du sport : "Je ne connaissais pas cette dame, commence sobrement Anelka, qui n'est d'ailleurs plus ministre. Ce sont toujours les plus incompétents qui ouvrent leur bouche ! Mais pour en revenir à elle, si moi je l'ai insupportée avec ma magnifique quenelle, de voir une ministre des Sports ne pas savoir que la Coupe du monde a lieu en 2014 et non en 2016 et confondre Cristiano Ronaldo avec Ronaldo el Fenomeno devant l'intéressé, ça c'est vraiment insupportable... Au moins, le président de la République l'aura bien compris !" Quenelle est pris qui croyait prendre.