"Une vie de canaille" qui vient finir "là où elle a commencé", selon la formule de Nice-Matin : en accord avec sa volonté, d'acier comme son tempérament, François Marcantoni est enfoui depuis mardi 24 août avec ses derniers secrets et ses innombrables histoires à Toulon, la ville où il est "né" truand et où ont eu lieu ses funérailles. Décédé le 17 août à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à l'âge de 90 ans, il a été inhumé, après un office matinal en l'église Saint-Joseph du Pont-du-Las, au cimetière de Lagoubran, peu avant midi. Sa soeur Marie conduisait le cortège.
Venu au monde en 1920 en Corse, à Alzi, celui qu'on connaîtra bientôt sous le respectueux surnom de Monsieur François, symbole du respect qu'il s'est attiré dans le Milieu, arrivera à 10 ans en rade de Toulon, accueilli par un grand-oncle dans un HLM de Rodeilhac. 10 ans plus tard, il réussira le concours d'entrée à la DCN et rejoindra l'Arsenal en tant qu'artificier.
Mais, parallèlement, ce sont ses faits d'éclat dans les bas-fonds caponesques de la cité varoise, puis son introduction auprès du parrain marseillais Mémé Guérini, qui façonnent la silhouette, ensuite coiffée d'un inamovible Borsalino, de l'emblématique truand (13 ans de cabane). Nice-Matin s'attardait ce mardi sur sa jeunesse au Chicago, où il perdit son pucelage et gagna une bagarre fondatrice, dont jaillit un de ses premiers surnoms - le Grand.
Il y a le Marcantoni de la Resistance, celui qui participa au sabordage de la flotte française en 1942, fut arrêté par la Gestapo et soumis à la torture ; le Marcantoni décoré de la Croix de Guerre et de la Médaille de la Résistance, celui qui obtint la Reconnaissance de la nation en 2007. Mais aussi, celui qui fut décoré de la Légion d'honneur tout récemment, sur la volonté de Nicolas Sarkzy : "J'ai eu la Légion d'honneur à titre militaire, pas en défendant les voyous", avait-il insisté auprès de son avocat, Me Jean-Louis Pelletier, comme celui-ci l'a rappelé au cours de la cérémonie.
Et il y a le Marcantoni star, ami des stars. Emblématique, sa rencontre avec Alain Delon, simple marin de retour d'Indochine, eut lieu en 1953 au bar des Marsouins, "premier rade" que son frère Charlie posséda, et donna naissance à l'amitié de toute une vie (qui résista à l'affaire Markovic) : quand Delon obtint le succès que l'on sait en tant qu'acteur, Marcantoni le suivit à Paris, au sein du gotha, milieu dont il devint un maillon incontournable et une figure emblématique de Pigalle. Au point de participer à une saga à part, qu'il a passé ses dernières années à raconter, jusqu'à ce dernier ouvrage autobiographique, écrit avec Christian Chatillon, exhibant ses archives secrètes : Strass et voyous.
Mardi matin, lors de ses obsèques, trois à quatre cents personnes étaient présentes. Mais pas Delon. Ni Jean-Paul Belmondo, qui a toutefois eu une pensée émue, joint par nos confrères de Nice-Matin : "Aaaah, mon ami François. Marcantoni, c'était un grand ami. Un brave type que j'aimais beaucoup. Je le connais depuis près de 40 ans et il ne m'a jamais fait de coup. C'était un homme loyal. Je me souviens que je l'avais fait jouer dans un de mes films pour lui faire plaisir, car il rêvait d'être une star de cinéma. C'était dans le " Solitaire ", en 1987. Il incarnait le rôle de Louis et je peux le dire aujourd'hui : ce n'était pas un très bon acteur... (rires) Je suis très peiné par son décès. J'aurais aimé aller à ses obsèques, mais je ne suis pas dans la région."
Sur le parvis de l'église Saint-Joseph, quelques borsalinos et quelques visages reconnaissables. Comme celui de Michou, qui s'est ému de la disparition du "Commandant" : "C'était un ami très proche, on a fait des folies ensemble". Sur le cercueil, on aurait pu s'attendre à voir un borsalino : mais c'est un exemplaire de Paris Turf qui a accompagné Monsieur François dans son dernier voyage, sa dernière course.
Parmi les relations de Monsieur François, beaucoup ont des mots justes : "Il avait du caractère, ne cherchait pas d'embrouilles, n'avait pas de calibre sur lui", se souvient Mickey Colombani, photographe. Et de rappeler : "Sans être le parrain, il était respecté". Un mot que le défunt aurait apprécié, lui qui acceptait l'appellation de voyou ou de truand, mais récusait celle de parrain.