Jusque dans la mort, Margaret Thatcher divise. Voire plus encore que de son vivant. Mais en dépit des déchirures de l'Histoire et des controverses sociales et politiques, allant de l'admiration à la haine, c'est une femme emblématique que le Royaume-(dés)Uni s'apprête à honorer lors d'obsèques dites "cérémonielles" - pour ne pas dire "nationales". Des obsèques qui, elles aussi, attisent les passions : les détracteurs de la défunte, qui ont largement manifesté leur "joie" à l'annonce du décès de la première femme Premier ministre du royaume, s'insurgent et manifestent contre ces coûteuses (on parle de plus de 11 millions d'euros) funérailles en grande pompe, indues selon eux... "Le souhait de Mme Thatcher était que les forces armées puissent participer à l'enterrement. Elles auront donc un rôle clé à jouer", a justifié Downing Street quant à la contribution d'environ 700 militaires, dont beaucoup ayant été impliqués dans la guerre des Malouines.
Abstraction faite du climat délétère entourant ces hommages, c'est aussi une mère qui s'en est allée, à qui ses enfants, bientôt dix ans après la perte de leur père Denis - qui fut aussi un soutien inestimable pour son épouse -, vont dire adieu. En endurant toute la pression médiatique et négative qui va avec, ce qui est probablement plus pénible encore que d'avoir vu leur mère décliner ces dernières années, jusqu'à son décès, survenu le 8 avril 2013 dans la suite du Ritz de Londres qu'elle occupait.
Sir Mark Thatcher et sa soeur jumelle Carol Thatcher, qui sont revenus respectivement de la Barbade et de Suisse pour organiser les funérailles de Margaret Thatcher, ont scrupuleusement supervisé lundi 15 avril la répétition générale des obsèques, à la veille du transfert ce mardi après-midi du corps de la défunte à la chapelle du palais de Westminster, coeur de la vie politique britannique. Là, une veillée funèbre privée aura lieu, pour les proches, et la dépouille de la Dame de fer sera acheminée le lendemain, mercredi 17, en la cathédrale Saint-Paul de Londres pour le service religieux, conformément à ses dernières volontés.
Sir Mark Thatcher, qui avait hérité du titre de baron de son père à son décès en 2003, a pris la pose pour les photographes de presse, en famille avec son épouse Sarah et leurs enfants Michael et Amanda, tous rejoints par sa soeur Sarah, au domicile de feue Margaret Thatcher, sur Chester Square. Une séance photo... sous haute protection, entre les deux gardes postés sur le perron et le service d'ordre déployé pour contenir les médias.
Quelques heures auparavant, au petit matin, les personnels de l'Armée concernés se sont rassemblés sous la direction du Major Andrew Chatburn, en charge de l'organisation de la procession après avoir déjà coordonné celle du mariage du prince William et Kate Middleton en avril 2011, et celle du jubilé de la reine Elizabeth II en juin 2012. La répétition de la parade funèbre, qui a vu un cercueil couvert de l'Union Jack acheminé de l'église de l'Armée de l'Air (Saint Clement Danes) à la cathédrale Saint Paul, s'est très bien déroulée, a-t-il assuré. A plus de 11 millions d'euros l'ardoise pour le contribuable, mieux vaut en effet qu'il n'y ait pas le moindre grain de sable.
Si le major a pu se rassurer sur le timing de la procession, il n'en retire en revanche aucune garantie concernant la sécurisation de l'événement : mercredi, des dizaines de milliers de Britanniques sont attendus dans les rues de Londres, et tous ne seront pas là pour manifester leur chagrin. Les forces de l'ordre, bien échauffées avec l'agitation des derniers jours, se mettent déjà en ordre de bataille, d'autant que de nombreuses personnalités politiques et célébrités (plus de 2000) seront présentes. Au premier rang desquelles, la reine Elizabeth II, accompagnée de son époux le duc d'Edimbourg, qui assistera à l'enterrement de son ex-Premier ministre - ce sera la première fois depuis les funérailles de Sir Winston Churchill que la monarque assistera à l'enterrement d'un Premier ministre. Barack Obama, qui avait déploré la mort d'une vraie "amie" des Etats-Unis, ne se déplacera pas en revanche, et a dépêché d'anciens secrétaires d'Etat américains.Mercredi, jour des funérailles, le cercueil, recouvert du drapeau britannique, sera d'abord transporté en corbillard jusqu'à l'église Saint Clément Danes, la chapelle de l'armée de l'air britannique, dans le centre de Londres. À l'église, le cercueil sera placé sur un affût de canon et tiré par six chevaux noirs de l'artillerie royale. Des musiciens des Royal Marines doivent jouer des marches funèbres de Chopin, Beethoven et Mendelssohn. Il sera ensuite transporté en procession de Saint Clement Danes jusqu'à la cathédrale, où les premiers invités pourront s'installer dès 9 heures, encadré par deux haies de militaires interarmées. Dix-neuf coups de canon seront tirés depuis la Tour de Londres mais il n'y aura pas de parade aérienne, selon les voeux de la Dame de fer. Son arrivée à la cathédrale, aux alentours de 11 heures, après une procession de 19 minutes, sera marquée par la sonnerie d'une seule cloche. Des militaires qui ont participé à la guerre des Malouines contre l'Argentine ouvriront la marche jusque dans l'enceinte religieuse. Le corps de l'ancien Premier ministre ne sera pas exposé, conformément au souhait de Margaret Thatcher. Lors de l'office en la cathédrale Saint Paul, conduit par le nouvel archevêque de Cantorbéry Justin Welby, le Premier ministre conservateur David Cameron lira un extrait de l'Evangile selon saint Jean, pour respecter l'une des dernières volontés émises par Margaret Thatcher, qui ne souhaitait pas d'oraison politique et a laissé des instructions détaillées sur le déroulement de ses obsèques. Sa petite-fille Amanda, lira également un extrait des Evangiles. Une crémation en privé se déroulera ensuite.
G.J.