Etrange ambiance que celle qui régnait sur le plateau d'On n'est pas couché ce samedi 16 avril... Laurent Ruquier recevait le chanteur Gérald de Palmas pour l'album La Beauté du geste, le comédien et réalisateur Manu Payet pour le film Tout pour être heureux, mais aussi Julien Boisselier et Chloé Lambert, venus présenter la pièce La Médiation (actuellement au théâtre de Poche-Montparnasse).
En plateau, le réalisateur François Ruffin venait évoquer son documentaire Merci Patron! sorti dans les salles au mois de février, qui a rencontré un joli succès. Ce film est tout simplement la matrice, le film référence, qui a donné naissance au mouvement Nuit debout, lequel prend ses quartiers chaque nuit sur la place de la République, à Paris, depuis plusieurs semaines. Sauf que François Ruffin est visiblement venu accompagné de quelques soutiens dans le public. Des personnes qui se sont vraisemblablement inscrites comme n'importe quel spectateur souhaitant assister à l'émission, à l'annonce de la venue de leur représentant.
Or, l'invité politique de la semaine n'était autre que Pierre Gattaz, président du MEDEF, le syndicat des patrons... Une coïncidence presque trop belle. Les militants de Nuit debout - qui d'abord tenté d'envahir le plateau affublés de masques à l'effigie de Nicolas Sarkozy ou autre Patrick Balkany - n'ont pas boudé leur plaisir. Ni manqué de siffler ou huer Gattaz à la moindre de ses interventions, quelle que soit la qualité de ces dernières. Les applaudissements étaient, quant à eux, réservés aux remarques de Léa Salamé et Yann Moix, lorsqu'ils se montraient coriaces à l'égard de l'invité, emblème ultime du patronnat français. Les rires, quant à eux, fusaient lorsque Pierre Gattaz utilisait un peu trop la langue de bois.
Je vous en supplie, laissez cette émission se dérouler le plus normalement possible
Si, d'ordinaire, le public d'On n'est pas couché est plutôt encouragé à réagir, ce lynchage ne pouvait se poursuivre. Une dizaine de minutes après l'arrivée de l'invité politique, Laurent Ruquier a recadré les spectateurs, et plus particulièrement les quelques dizaines de militants de Nuit debout qui se faisaient entendre : "On ne pourra pas continuer le débat si vous ne laissez pas parler. Je voudrais parler aux jeunes qui sont ici ce soir, et qui font partie du mouvement Nuit debout. Y'a pas tant d'émissions que ça où le débat est possible et où on invite des gens aussi opposés que l'on a ce soir. Si vous pouviez au moins reconnaître à notre émission le fait d'organiser ça et qu'un débat puisse avoir lieu, laissez-le faire dans de bonnes conditions. Après, je comprendrais que Monsieur Gattaz ne souhaite pas rester et ça serait peine perdue", s'est agacé Laurent Ruquier dans un premier temps.
Il poursuit : "Il a eu la gentillesse de respecter notre invitation et ne s'est pas défilé quand il a vu le nom de François Ruffin sur la liste des invités. Quand vous êtes intervenus au début, je n'ai rien dit. Maintenant, je vous en supplie, laissez cette émission se dérouler le plus normalement possible, en n'intervenant pas à chaque fois que Monsieur Gattaz va parler. François Ruffin, Yann Moix, Léa Salamé et moi aussi, nous serons là pour le contredire. Si on est tous d'accord là-dessus, l'émission pourra continuer. Autrement, nous ne pourrons pas poursuivre", a recommandé l'animateur.
A l'issue de l'émission, le mouvement Nuit debout s'est exprimé sur Twitter, déplorant que la "quarantaine d'activistes" a finalement été "expulsée du plateau" par la sécurité. Leurs cartes d'identité auraient été saisies pour être photocopiées. "A Pierre Gattaz et l'équipe de On n'est pas couché, les citoyen(ne)s de Nuit debout demandent de cesser ces tentatives d'intimidation, et rappellent qu'un peu d'humour et de liberté d'expression à l'heure actuelle est plus que nécessaire !", a conclu le mouvement sur son compte officiel.
Les activistes n'ont vraisemblablement pas prémédité leur coup puisque chaque semaine, le nom de l'invité politique est gardé secret jusqu'à quelques minutes avant le tournage de l'émission afin d'éviter la présence de militants pro ou anti, et de préserver l'objectivité du public de l'émission.
Joachim Ohnona