Un mois après être devenu, à 97 ans, le doyen des récipiendaires d'un Grammy Award, récompense attribuée pour son dernier album Joined at the Hip (Meilleur album de blues traditionnel) enregistré avec un de ses vieux complices de blues, Willie 'Big Eyes' Smith, le pianiste Pinetop Perkins, né Joseph William Perkins en 1913 à Belzoni au coeur des champs de coton du Mississipi, est décédé mardi 21 mars, victime d'un arrêt cardiaque. "Il est allé faire une sieste et ne s'est pas réveillé", a déclaré Patricia Morgan, son manager.
La légende du blues, qui avait déjà glané la même distinction en 2008 avec l'album collectif Last of the Great Mississippi Delta Bluesmen: Live In Dallas ainsi qu'un Lifetime Achievement Grammy Awards en 2005 pour l'ensemble de son oeuvre, est morte à son domicile d'Austin (Texas), où il se produisait encore régulièrement dans des clubs.
Surnommé "Pinetop" pour avoir enregistré avec succès, dans les années 1950, le Pinetop's Boogie Woogie qu'avait composé en 1928 Pinetop Smith, Perkins, devenu pianiste après avoir dû renoncer à la guitare, son instrument d'origine, suite à une bagarre avec une choriste qui lui valut un coup de couteau qui endommagea ses tendons du bras gauche, laisse une influence considérable dans le monde du blues, au sein duquel il a joué auprès des plus grands. Outre Earl Hooker, Big Joe Williams et Robert Nighthawk, il fut notamment un fidèle lieutenant de Muddy Waters, remplaçant au piano Otis Spann, pendant plus de dix ans, et joua également avec Sonny Boy Williamson ou Ike Turner. Après quoi il fonda, avec Willie 'Big Eyes' Smith, chanteur, harmoniciste et batteur rencontré dans le groupe de Muddy Waters, The Legendary Blues Band, vers 1980 (année où il fit un caméo dans le film The Blues Brothers), qui connut une existence prolixe jusqu'en 1993.
Ce n'est qu'en 1976, alors âgé de 63 ans, que Pinetop Perkins entama sa discographie personnelle, avec l'album Boogie Woogie ***King***, suivi en... 1988 d'After Hours.
Malgré son grand âge, le bluesman analphabète et autodidacte ("Je n'ai pas été à l'école. Je me suis fait ma place à la dure.") avait été très productif au cours de la dernière décade, et avait pas moins de 20 concerts programmés en 2011 et envisageait l'enregistrement d'un nouvel album, au moment où sa mort est survenue.
A l'instar de B.B. King, qui a fait part de sa très vive émotion, le président de l'Académie des Grammy Awards Neil Portnow pleure un "bluesman et un virtuose du piano de légende", "d'une force mémorable", et dont le "style de jeu solide et la voix reconnaissable sont incontournables". "Je ne peux plus jouer de piano comme avant, quand je faisais trembler les basses comme le tonnerre. Je ne peux plus. Mais, Seigneur, pardonne ce que j'ai fait pour quelques pièces", déclarait-il dans une de ses dernières interviews. Le tonnerre s'est tu.