Tant qu'on pouvait encore lui accorder le bénéfice du doute, Ray Rice était toujours un joueur des Ravens de Baltimore et une superstar de la NFL. Désormais, c'est un paria en plein lynchage publique à grande échelle. Six mois après les faits qui se sont produits dans la nuit de la Saint-Valentin, et les images choquantes mais énigmatiques de sa compagne Janay Palmer traînée par terre, inanimée, hors d'un ascenseur, le couperet est tombé, sous la forme d'une vidéo accablante, et le doute n'a plus sa place : c'est lui qui l'a mise KO...
La vidéo de la honte
Que Ray Rice et Janay Palmer se soient mariés depuis - et malgré - l'incident, convolant au lendemain même de l'inculpation de la vedette du foot US par un grand jury, n'aura rien changé : le running back star des Ravens, champion du Super Bowl XLVII (février 2013), a commis l'impensable, l'irréparable, en boxant sa compagne. Le 15 février 2014, le couple se dispute en regagnant sa chambre du Revel Casino à Atlantic City (New Jersey). Jusqu'à présent, il n'avait pas été donné de voir ce qui s'est réellement passé dans l'ascenseur, mais, après avoir déjà dévoilé les enregistrements de vidéosurveillance du hall du Revel Casino, montrant Rice en train de sortir le corps inerte de Janay de l'ascenseur, TMZ Sports s'est procuré et a produit les images de la caméra située à l'intérieur : où l'on voit clairement le footballeur de 27 ans mettre une violente gauche au visage de la jeune femme, l'envoyant direct au tapis, sa tête heurtant dans sa chute une barre de l'ascenseur. Une séquence choquante.
La suite, on la connaissait déjà : l'ascenseur s'ouvre au rez-de-chaussée, Ray Rice en sort en traînant tant bien que mal sa compagne qui a perdu connaissance et la dépose là, à même le sol, sans ménagement, le corps bloquant la fermeture des portes, tandis qu'un agent de sécurité approche et qu'une discussion s'amorce. Le couple avait cette nuit-là été arrêté et placé en détention, suite à un appel en provenance du casino, pour agression simple / violence domestique, la police ayant constaté une "violente altercation" et consigné dans son rapport de plainte que les deux parties "se sont mutuellement frappées avec leurs mains". Cinq semaines plus tard, le 27 mars 2014, un grand juré inculpait officiellement Ray Rice d'agression aggravée au troisième degré, passible de trois à cinq ans d'emprisonnement. Le lendemain (28 mars), contre toute attente, le running back des Ravens et Janay Palmer se mariaient... Le 23 mai, avec son épouse à ses côtés, Ray Rice se repentait en conférence de presse, et à nouveau en juillet, qualifiant ses actes d'inexcusables : "J'ai commis la plus grosse erreur de ma vie. Nous suivons une thérapie conjugale. Nous faisons ce qu'il faut pour avancer", déclarait-il, disant envisager de prêcher la bonne parole contre les violences domestiques.
Ray Rice, game over
À noter, au vu des images de ce qui est arrivé dans l'ascenseur, que les déclarations faites à l'époque par l'avocat du joueur apparaissent désormais déplorables : "La vidéo mise en ligne par TMZ Sports est incomplète et ne reflète pas tout ce qui s'est passé, mais tout au plus le résultat final de ce qui a été ébruité. Nous donnons au public notre parole que, lorsque cette affaire aura été pleinement instruite et réglée, il aura une meilleure compréhension de ce qui est arrivé et nous demandons au public d'éviter de porter des jugements hâtifs avant que tous les éléments de fait soient réunis." Ils le sont à présent, et les réactions n'en sont que plus outragées, de son propre club, qui l'a limogé, et de la ligue de football américain (NFL) au président des Etats-Unis Barack Obama en personne.
À peine la vidéo de l'ascenseur a-t-elle été rendue publique que les Baltimore Ravens ont réagi en conséquence, en virant leur joueur phare : "Les Ravens se sont séparés de leur running back Ray Rice", a indiqué la franchise NFL sur son compte Twitter, qui avait affirmé prendre "très au sérieux" l'affaire lorsqu'elle éclata, et ne s'est pas parjurée. La décision n'a pas fait un pli, comme l'a indiqué en conférence de presse le coach des Ravens, John Harbaugh, précisant que les membres du staff et lui-même n'avaient pas eu accès à l'enregistrement en question avant ce 8 septembre : "C'est quelque chose que nous avons vu pour la première fois aujourd'hui, nous tous, et ça a changé la donne. Évidemment que ça a un peu changé la donne", a-t-il déclaré. Souhaitant aux jeunes mariés le meilleur pour l'avenir, il a dit avoir pour eux de l'espoir et de la bonne volonté, proposant même de leur offrir de l'aide, "quels que soient leurs besoins". On peut éventuellement comprendre un peu l'empathie de l'entraîneur envers un joueur clé de l'effectif qui a fait toute sa carrière pro (depuis 2008) chez les Ravens...
Barack Obama, père indigné
D'autres en revanche ont été moins enclins à la compassion. L'indignation a pris une ampleur nationale, et Ray Rice a été laminé sur les réseaux sociaux et dans les médias. Même Barack Obama, au vu de la gravité des faits et de la violence inouïe des images, s'est exprimé, avec sévérité, via un communiqué du porte-parole de la Maison blanche Josh Earnest : "Le président est père de deux filles. Et comme tout citoyen américain, il considère que la violence domestique est méprisable et inacceptable dans une société civilisée. Frapper une femme n'est pas quelque chose que les vrais hommes font. Cette remarque s'applique qu'un acte de violence soit commis en public ou, bien trop souvent, à l'abri des regards. Faire cesser la violence domestique est quelque chose qui dépasse le football - et chacun d'entre nous a la responsabilité d'y mettre un terme", a ainsi fait savoir le président, fervent fan de sport.
Nombre de personnalités ont appelé à la radiation à vie de la NFL de Ray Rice, qui avait signé en juillet 2012 un nouveau contrat sur 5 ans pour 35 millions de dollars , à l'instar du comédien Seth Rogen ("Je n'y connais pas grand-chose en foot, mais ce que je sais c'est que Ray Rice est une espèce de raclure qui ne devrait plus avoir le droit de jouer professionnellement où que ce soit") ou du sénateur Marco Rubio, qui retient aussi que le joueur a menti en faisant passer l'incident pour des violences réciproques. Parmi les célébrités, Maria Shriver, Jamie Lee Curtis ont notamment manifesté leur dégoût ; Tom Arnold a joliment écrit qu'il regrettait de ne pas entendre ce que la regrettée Joan Rivers aurait dit à ce sujet. Ils ont obtenu (en partie) gain de cause : la NFL a décidé dès lundi de la suspension "pour une durée indéterminée" de Ray Rice, qui n'avait écopé après les faits que de deux matchs de suspension. Le représentant de la commission de discipline de la ligue, Roger Goodell, avait par la suite admis avoir fait une erreur de jugement en prononçant une sanction aussi légère, et la NFL avait adopté en août des nouvelles mesures pour lutter contre les actes de violences domestiques dont se rendent coupables ses joueurs, passibles de suspension à vie en cas de récidive. Il a également déploré que les autorités compétentes n'aient pas fourni à la ligue la fameuse vidéo publiée lundi. Mais selon les informations de TMZ Sports, la NFL n'a fait aucune démarche en ce sens, ne contactant pas même le Revel Casino. "Comment la @NFL pouvait-elle NE PAS SAVOIR qu'il y avait une vidéo #NeLesCroyezPas", a d'ailleurs tweeté la star de Bones David Boreanaz, pas dupe...