Personne n'oubliera la marche loupée par Pixar. En remplaçant Brenda Chapman par Mark Andrews en pleine production de Rebelle, le studio choisissait délibérément de ne pas écrire sa propre histoire en renonçant à la toute première réalisatrice de son écurie exclusivement masculine au rayon réalisateurs. Un choix qui n'est pas passé inaperçu, Brenda Chapman étant par ailleurs la première femme à avoir réalisé un film d'animation avec Le Prince d'Égypte (1998) pour Dreamworks. Et après avoir décidé de quitter Pixar pour LucasFilms, celle-ci a bouclé l'histoire dans The New York Times pour fustiger le sexisme ambiant.
Véritable fléau, le sexisme hollywoodien parcourt encore les veines du système, deux ans après le premier Oscar de la meilleure réalisatrice décernée à Kathryn Bigelow. Prenant soin de ne pas entrer dans la case des féministes hystériques qui servent de munitions aux hommes de pouvoir, Brenda Chapman entame son article avec la question : "Comment peut-on avoir plus de femmes dans des positions de pouvoir à Hollywood ?" Aucune solution simple, mais plusieurs options : "Je suppose que le revers de la question est de savoir comment faire pour que le Club des Garçons d'Hollywood laisse quelques-unes de ses places aux femmes. Ok, ok, je sais - arrêtez de rire. Peut-être que nous devons juste faire nos propres chaises. Je préfère cette approche, parce que c'est la seule qui me semble viable. Mais où commencer ?"
Rebelle deviendra grande
Brenda Champan explique que le premier pas vers l'émancipation de la femme dans l'industrie hollywoodienne repose sur les quelques représentantantes qui sont parvenues en haut de l'échelle du pouvoir : "Les laisser apprendre de nos erreurs ; nous ne devrions pas cacher nos procès et tribulations de peur de paraître stupides." Et plutôt que de continuer dans la théorie, elle expose un "exemple personnel", le bien-nommé Rebelle.
"Cette dernière année et demie a été une expérience dure et déchirante pour moi. Quand Pixar m'a retiré Rebelle - une histoire qui vient de mon coeur, inspirée par ma relation avec ma fille -, ça a été dévastateur. Pour conserver mon nom au générique de Rebelle, j'ai été persévérante et me suis accrochée à mes principes. Les réalisateurs d'animation ne sont pas protégés comme les réalisateurs de films, qui ont le Syndicat des réalisateurs prêt à sa battre pour eux. Notre remplacement est ordinaire - et ça c'était un vrai problème pour moi. Ceci était une histoire que j'avais créée, qui venait d'un endroit très personnel, à la fois comme femme et comme mère. La voir dérobée et donnée à un autre, qui plus est un homme, a vraiment été bouleversant à de nombreux niveaux. Mais à la fin, ma vision a survécu dans le film. (...) Alors j'ai gardé la tête haute, suis restée attachée à mes principes, et j'ai été épaulée par des femmes (et des hommes!) forts. Finalement, ça a marché, et je suis très fière du film, et du fait que j'ai tenu bon pour moi-même, comme Merida, l'héroïne de Rebelle".
Une success story teintée d'amertume - habilement masquée derrière sa plume - qui reste bien rare : "Parfois, les femmes expriment une idée et sont stoppées, pour qu'ensuite un homme exprime essentiellement la même idée et obtienne l'approbation générale. Jusqu'à ce qu'il y ait un nombre suffisant de femmes aux postes exécutifs haut placés, cela continuera de se produire. (...) Je sais qu'il y a encore beaucoup d'autres histoires qui prouvent que nous pouvons remonter la chaîne alimentaire. Mais nous devons être persévérantes."
Partie vers les verts pâturages de PixarFilms, Brenda Chapman envoie un message clair à Pixar. Et après la lettre ouverte de Jodie Foster dans The Daily Beast pour défendre Kristen Stewart, beaucoup plus maltraitée que Rupert Sanders alors qu'il est tout aussi impliqué qu'elle dans le scandale de leur infidélité, la réalisatrice confirme que les femmes sont déterminées à renverser le système patriarchal d'Hollywood. Et chaque bataille à moitié perdue n'est qu'un nouveau pas vers la révolution.