Kristen Stewart - Jodie Foster la défend: 'Est-ce que je survivrais à sa place?'

En cas de coup dur, Jodie Foster est là. Particulièrement réservée sur sa vie privée, l'actrice et réalisatrice n'avait pas hésité à monter au créneau pour prendre la défense de Mel Gibson, un ami un peu embarrassant qu'elle avait réinventé dans le fantastique Le Complexe du castor (2011). Et alors que sa partenaire dans Panic Room (2002) de David Fincher est traînée dans la boue depuis que son aventure avec le réalisateur Rupert Sanders a été découverte, Jodie Foster a écrit une lettre ouverte dans The Daily Beast (fondé par une ancienne du New Yorker et Vanity Fair) pour expliquer tout le bien qu'elle pense de Kristen Stewart, qu'elle avait décrite il y a quelques mois comme ''une femme fantastique''.

"Inventer ses propres outils de survie"

Plutôt que de déverser sa colère, Jodie Foster admet que personne ne résiste aux lumières hollywoodiennes : "Nous avons tous vus les gros titres à la caisse. 'Kristen Stewart attrapée'. Nous avons feuilleté les pages vernies ici et là. 'Kris et Rob en couple ?'. Nous avons tous vus les photos. 'J'aime cette robe. Je déteste la coiffure. Couple mignon. Mauvaises chaussures'. Il y a pas de honte à reconnaître l'intérêt de l'être humain pour les lavages de linge sale en public. Elever de jeunes et belles personnes au rang de dieux avant de le ramener à terre pour contempler leurs défauts. Vous voyez, ils sont juste comme nous. Mais nous considérons rarement les enfances que nous détruisons au passage."

Mobilisant sa propre expérience, l'actrice révélée à 14 ans dans Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese explique la difficulté d'être une enfant-star, syndrome qui brise de nombreuses vies : "Je suis une actrice depuis que j'ai 3 ans, c'est-à-dire depuis 46 ans. Je n'ai aucun souvenir de mon enfance sans le regard du public. On me dit que je suis considérée comme un exemple de success story. Souvent, de parfaits étrangers viennent me voir et me demandent : 'Comment êtes-vous restée si normal, si équilibrée, si privée ?' Je mens généralement en disant : 'Je suppose que je suis ennuyeuse'. La vérité est que, à la manière d'un curieux mutant radioactif, j'ai inventé mes propres outils de survie. J'ai fabriqué des règles pour contrôler le regard. Peut-être ai-je organisé mes choix de carrière pour permettre (ainsi qu'à ceux que j'aime) de garder une dignité personnelle. Et oui, je me suis adaptée d'une manière névrotique au sport de gladiateurs qu'est la culture de la célébrité, la cruauté d'une vie vécue comme cible mouvante."

"Si j'étais une jeune actrice aujourd'hui, j'arrêterais avant de commencer"

Aucun doute pour Jodie Foster : l'arène hollywoodienne a pris une tournure spectaculaire au fil des années, repoussant les limites de l'éthique et donnant au cinéma américain des allures de foire. Et l'épreuve est en passe de devenir impossible : "À mon époque, à force de discipline et de caractère, il était possible de construire une carrière hollywoodienne et de conserver l'authenticité d'une vie privée. (...) On pouvait affirmer haut et fort qu'on ne participerait pas à sa propre exploitation. Mais plus maintenant. Si j'étais une jeune actrice qui débute sa carrière aujourd'hui, à l'ère des réseaux sociaux et de leur chasse aux sorcières, est-ce que je survivrais ? Est-ce que je me noierais dans la drogue, le sexe et les fêtes ? Serais-je perdue ?"

"Je l'ai dit et je le répète : si j'étais une jeune actrice aujourd'hui, j'arrêterais avant de commencer. Si je devais grandir dans cette culture des médias, je ne pense pas que je pourrais survivre émotionnellement. J'espérerais seulement qu'une personne qui m'aime, qui m'aime vraiment, me prenne dans ses bras et m'aide à trouver refuge. Sarah Tobias [son personnage dans Les Accusés pour lequel elle a été oscarisée une première fois] n'aurait jamais dansé devant ses violeurs dans Les Accusés. Clarice n'aurait jamais partagé les cris affreux dans agneaux avec le Dr. Lecter [dans Le Silence des agneaux, son deuxième Oscar]. Une autre actrice aurait probablement pris ma place, ouvert son âme pour créer ces personnages, avouant sa vulnérabilité. Mais aurait-elle survécu aux paparazzi derrière ses fenêtres, le harcèlement en ligne, sans faire une overdose dans une chambre d'hôtel ou se coller des seringues dans le visage jusqu'à devenir méconnaissable ?" Venant d'une star si équilibrée, rare modèle de réussite étalée sur plusieurs décennies, le choix des mots n'est pas anodin.

"Elle ne veut pas être actrice lorsqu'elle sera grande, si ?"

Écoeurée par le sort réservé à Kristen Stewart, Jodie Foster précise que "le salaire donné pour une performance à l'écran ne comprend pas le droit d'envahir la vie privée de quiconque, de détruire l'amour propre de quelqu'un". En l'occurrence, elle se souvient de sa première rencontre avec la future star, choisie pour incarner sa fille dans le thriller de Fincher : "En 2001, j'ai passé cinq mois avec Kristen Stewart sur le plateau de Panic Room, le plus souvent dans une pièce grande comme un placard. Nous avons parlé et rigolé pendant des heures, partageant spontanément des mystères et occupant notre ennui. J'adorais cette enfant. Elle a eu 11 ans pendant le tournage et pour fêter ça, j'ai amené une bande de mariachis pour chanter dans un bar à tacos pendant qu'elle soufflait ses bougies. Elle a dansé de manière peu gracieuse autour d'un sombrero avec moi avant de filer jouer au basket-ball avec les techniciens du film. Sa mère et moi la regardions courir après le ballon. Je lui ai demandé : 'Elle ne veut pas être actrice lorsqu'elle sera grande, si ?' Elle m'a répondu : 'Non... malheureusement.' Nous avons toutes les deux souri en haussant les épaules. 'Vous ne pouvez pas la convaincre ?', lui ai-je demandé. 'Oh, j'ai essayé. Elle adore ça. Elle adore vraiment ça.' Quelques soupirs. Nous l'avons regardée courir sur le terrain, silencieuses, perdues dans nos pensées. J'étais enceinte à cette époque et me suis surprise à rêver de l'enfant que j'aurais bientôt. Serait-il comme Kristen ? Tout ce beau talent et ce courage..."

Mais le rêve a pris fin. "Aujourd'hui... [Je vois] une belle jeune femme qui marche seule dans la rue, la tête baissée, les poings serrés. Elle marche vite, entourée d'hommes immenses avec des caméras noires braquées sur sa bouche et sa poitrine. 'Kristen, comment tu te sens ?' 'Souris Kris !' 'Hé, tu l'as eue là ?' 'Je l'ai eue ! Je l'ai eue !' La jeune femme ne pleure pas. Bordel, non. Elle ne lève pas la tête. Elle a appris. Elle garde la tête baissée, les mains dans les poches. Sans parler. Sans lever les yeux. Sans pleurer."

"Ça aussi, ça passera"

"Ma mère me disait toujours, après chaque injustice, chaque rupture, chaque moment de souffrance : 'Ça aussi, ça passera.' Je détestais cette phrase. (...) Maintenant, ça semble étrange, mais vrai... Finalement, tout finit par passer. Les horreurs publiques d'aujourd'hui disparaissent. Et oui, on n'est plus la même personne. On fait moins confiance. On calcule ses pas. On survit. Avec un peu de chance, on ne perd pas sa capacité à lancer ses bras en l'air et à s'abandonner. C'est l'ultime 'je vous emmerde' et finalement, le plus beau de tous les outils de survie. Ne les laisse pas te prendre ça."