Jeudi 9 décembre, en fin de journée, la dépêche que le monde attendait depuis des mois tombait : celle qui annonçait la libération de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, Iranienne condamnée à mort par lapidation, ainsi que celle de son fils, Sajjad, et son avocat, Houtan Kian, arrêtés en octobre dernier.
C'est Mina Ahadi, porte-parole du Comité anti-lapidation, qui avait transmis la nouvelle à l'AFP : "Nous attendons encore une confirmation : il y a apparemment ce soir un programme qui doit être diffusé à la télévision, et là, nous le saurons à 100%. Mais oui, nous avons entendu qu'elle est libre, et aussi son fils et son avocat", avait-elle ajouté.
Le Comité anti-lapidation avait simplement constaté cette libération après la diffusion, par plusieurs médias internationaux, de photos de Press-TV montrant Sakineh chez elle les 4 et 5 décembre, en compagnie de son fils.
Si l'émotion gagnait le coeur de chaque individu touché par le sort de l'Iranienne - en faveur de qui la communauté internationale s'est fortement mobilisée -, certains ont préféré être sceptiques et attendre des précisions.
Bernard-Henri Lévy, très impliqué, avec sa revue La Règle du jeu, dans ce combat, restait très prudent hier et il a eu, malheureusement, raison. Alors qu'il écrivait : "Possible qu'elle soit, en effet, libre. Mais possible, aussi, que les Iraniens, comme ils l'ont déjà fait si souvent, soient en train de jouer avec nos nerfs, avec ceux de l'opinion mondiale, avec ceux de Sakineh elle-même et de ce qui reste de sa famille", la deuxième proposition est la bonne puisque Sakineh est loin d'être libre.
Il semblerait que les autorités iraniennes aient tenté de tromper les médias, en diffusant cette série de clichés de Sakineh, accompagnée de son fils Sajjad, dans leur domicile de la Province d'Oskou, loin de la prison de Tabriz. BHL dénonce une "intoxication gigantesque et abjecte" (voir son texte intégral sur La Règle du jeu), tandis que ses confrères de la revue parlent "d'une énième mascarade". Il est en effet certain que cette annonce n'est que le résultat d'une grosse manipulation, manipulation qui paraît improbable tant elle est diabolique !
En effet, les images de Sakineh présentées comme prises dans son jardin, l'ont été, avec l'aval de la justice, dans le cadre du "tournage d'une reconstitution de son crime sur la scène du meurtre" de son mari, dont elle est toujours coupable aux yeux des autorités iraniennes, a expliqué Press-TV. Selon Le Figaro, l'émission, dont vous pouvez voir le frissonnant teaser ci-dessus, doit être diffusée en anglais dès vendredi soir (à 21h30 en France).
Notez que si Sakineh, 43 ans et maman de deux enfants, n'est pas libre et que son existence est toujours en sursis, elle a pu, au moins, revoir son fils, dont elle est séparée depuis six années. Un grand bonheur dans son insupportable quotidien de condamnée. Il semble même certain que cette reconstitution ait été faîte dans le seul but, une nouvelle fois, de prouver la culpabilité de Sakineh et on n'est même pas sûr que ce soit elle qui parle, écrit la Règle du Jeu : "Dans une bande-annonce hollywoodienne, à la musique angoissante, bien loin des joies d'une libération, on y aperçoit pour la première fois une Sakineh au visage non flouté, ou alors celui d'une personne lui ressemblant étrangement (nous n'avons reçu que très peu de photos de Sakineh). Puis vient un homme, symbole de la Justice iranienne (on le remarque à la balance derrière lui). Il annonce d'un ton grave : "depuis l'année dernière, certaines personnes écartent ce dossier de son cheminement légal pour en faire un cas politique". C'est à cet instant que Sakineh déclare en persan : "nous avons planifié la manière de tuer mon mari". En persan? Mais Sakineh parle uniquement l'azéri! Nous assistons ensuite à une reconstitution du meurtre du mari, durant laquelle l'Iranienne s'empare d'une seringue. On se souvient que lors de ses premières confessions télévisées d'août dernier, celles obtenues après deux jours de passage à tabac, l'Iranienne avait avoué avoir endormi son mari à l'aide d'une seringue, avant de l'électrocuter. La parole est ensuite donnée à un homme à la barbe blanche, peut-être un médecin légiste. "La trahison est parfois dangereuse", explique-t-il. Des confessions aux actes, au cours de la scène suivante, Sakineh qui se cache dans un tchador noir, colle des électrodes à des pieds, sans doute ceux de son mari, avant de les brancher à la prise électrique". La musique s'accélère. Les plans aussi. Le suspense est à son comble. La vérité doit éclater ce soir, à 20h35, sur Press TV. On peut craindre le pire !
Comme l'écrit si bien La Règle du jeu : "Il est plus que jamais temps d'agir".