Le journaliste François Forestier, spécialisé en cinéma, possède une plume bien connue des lecteurs du Nouvel Obs dont il écrit les critiques depuis des années. Mais une autre activité de l'écrivain est méconnue et toujours dans l'ombre : il est nègre. Ainsi, il écrit tous les ans des dizaines de livres signés au final par d'autres "auteurs".
Dans le Nouvel Observateur (what else ?), en kiosques le 20 janvier 2011, François Forestier raconte et se confie quant à ce travail étonnant.
Une passion née avant tout par amour des autres, de leurs vies, de la passion de raconter la vie des autres : "Dans l'ombre, je les aide, j'enregistre, je couche sur le papier. C'est émouvant : ils me confient leur vie, je leur rends des pages d'encre. Ils me livrent des anecdotes, des souvenirs, des espoirs en vrac. Je mets de la grammaire dans leur mélancolie, des virgules dans leur histoire."
Une profession dont on ne parle pas et qui est pourtant très présente : "Tout a commencé il y a quelques années. Un producteur de télé cherchait un journaliste capable de transposer cent heures de soap opera en un livre. Je me suis retrouvé avec cent scénarios et soixante-douze personnages à condenser en 350 pages, en un mois et demi."
Après ce premier job, les choses se sont accélérées pour notre journaliste chevronné : "J'ai été le nègre de Sonia Rolland, Miss France 2000 : elle me faisait des oeufs au plat en me racontant son enfance au Rwanda ; j'ai été le nègre de Snejana Dimitrova, l'une des infirmières bulgares détenues et torturées par Kadhafi, je la regardais pleurer sur les débris de sa vie ; j'ai été le nègre de Laurence Segura, épouse d'un braqueur, évadé perpétuel, prête à faire péter la République pour soutenir son homme..."
Il ne donnera pas les autres noms, mais confiera en vrac avoir confessé des comédiens, des gansters, des avocats, des cuisiniers et aura une jolie phrase Je suis un écrivain sans public, un soutier de la littérature. J'aime cette ombre.
Une anecdocte savoureuse ? Il se souvient d'un acteur de cinéma dont il avait écrit le premier roman, d'après le scénario qu'il lui avait livré. "Nous ne nous étions jamais vus. Me rencontrant lors du cocktail de lancement, à l'hôtel Meurice, il me dit, en se massant la tempe :"Mon année a été tellement difficile, avec l'écriture de mon livre" ! Il s'entretenait avec son nègre sans le savoir !
Des souvenirs incroyables, que l'auteur est fier d'avoir dévoilés au public, tout en n'en récoltant aucun laurier : "Ma récompense, c'est quand ils m'oublient. Quand le livre sort, ils se l'approprient, et c'est justice." Il termine, toujours dans la dérision : Le problème c'est d'écrire mes propres ovrages : Je manque de temps. Pour mon prochain livre, je vais prendre un nègre !! Un type comme lui !
Pour découvrir le récit de François Forestier en intégralité, rendez-vous dans le Nouvel Observateur en kiosques le jeudi 20 janvier 2011.