Son histoire personnelle est devenue le grand engagement de sa vie. Depuis plus de deux décennies, Sophie Cluzel s'engage avec détermination dans le militantisme associatif en faveur du handicap, déterminée à briser les tabous et les clichés, à libérer la parole afin d'encadrer et de soulager les familles. Son combat est né peu de temps après la naissance de sa fille Julia (23 ans en décembre), son quatrième enfant atteinte de trisomie. Pour la première fois, elle s'est confiée à ce sujet dans les pages du magazine ELLE, prenant la pose au côté de sa fille pour évoquer son combat.
Secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées depuis le mois de mai 2017, la femme politique de 57 ans s'est ainsi remémoré le jour où elle a découvert le handicap de Julia. C'était le jour de sa naissance. "Personne n'a rien vu, rien détecté. Jamais je ne me suis dit que je pourrais avoir un pépin. Quand j'ai découvert à la naissance que j'avais un enfant trisomique, je n'avais aucune idée concrète de ce que c'était, sinon que c'était une personne 'pas éducable' : c'est ainsi que l'on se représentait la trisomie il y a vingt-deux ans, à tort", a-t-elle déclaré.
Les heures les plus longues de ma vie...
Après avoir mis au monde Julia, Sophie Cluzel est "restée avec le pédiatre" qui "mettait tant de temps" à examiner le nouveau-né, provoquant naturellement une grande panique chez la jeune maman. "Je ne comprenais pas. (...) L'angoisse montait. C'était mon quatrième enfant, je voyais bien que cette durée d'examen n'était pas normale. Ces heures ont été les plus longues de ma vie. Je le harcelais : 'Qu'est-ce qu'a mon bébé ?' Il était empêtré dans son diagnostic, il n'était pas capable de me l'annoncer. Tout d'un coup il a lâché : 'Ecoutez, je suppute une trisomie.' J'ai été soulagée, tellement je pensais que ma fille allait mourir. Je lui ai dit : 'Ah, ce n'est que ça !' Puis au bout de cinq minutes, le mot monte au cerveau : 'trisomie', ça veut dire quoi ?", a-t-elle ajouté.
Malgré tout cela, la naissance de la petite Julia a évidemment "été bénéfique" au sein de la famille Cluzel. "Julia a conquis les coeurs avec son premier sourire", assure la militante associative. Choyée par ses parents et sa fratrie, elle est aujourd'hui presque complètement autonome. "Elle travaille. Quand elle était au lycée professionnel, il y a quatre ans, elle a fait un stage à l'Elysée au service de l'argenterie et des couverts. Elle y est toujours, deux jours par semaine, et le reste du temps elle travaille dans un café qui a la particularité d'employer plusieurs serveurs handicapés. Depuis que je suis ministre, j'ai moins de temps pour elle et elle a gagné en autonomie. Mais elle n'a pas envie d'habiter seule et on réfléchit à une colocation avec d'autres personnes handicapées", a-t-elle poursuivi.
Un an et demi après sa nomination, Sophie Cluzel fait également le bilan et reste optimiste. "On avance bien. (...) Au lieu de stigmatiser le handicap avec une politique à part, comme avant, on irrigue tous les ministères des spécifiés du handicap : c'est un changement total de méthodologie. A partir de janvier prochain et du nouveau budget, on renverse les choses et on change la donne : les personnes handicapées ne seront plus des objets de soin, mais des sujets de droit", a-t-elle conclu.
Retrouvez l'intégralité de l'interview de Sophie Cluzel dans le magazine ELLE en kiosque le 19 octobre 2018