Yann Moix raconte le flop de Cinéman : ''Enveloppé de merde, j'avais honte''
Publié le 10 juillet 2013 à 18:26
Par Christopher R.
Affiche officielle de Cinéman. Affiche officielle de Cinéman.
Franck Dubosc dans Cinéman.
Yann Moix en 2005.
Extrait de Cinéman.
Le tournage de Cinéman.
La suite après la publicité

En 2009, Cinéman sort au cinéma. Dernier long métrage de Yann Moix, à qui l'on devait Podium, film à succès plébiscité par le public (près de 4 millions d'entrées en salles), Cinéman sera l'un des échecs les plus médiatisés de ces cinq dernières années. Honni par la critique, boudé par le public (le film compte un peu plus de 300 000 entrées seulement), Cinéman plonge son réalisateur dans la dépression. Quatre ans plus tard, à l'occasion d'une interview accordée à Technikart pour son numéro de mars 2013, Yann Moix déballe tout, d'une pré-production foireuse à un tournage chaotique, suivi par "la honte" qui s'abat sur le réalisateur devenu maudit.

Avec toute la bonne sincérité du monde et une objectivité assurée, Yann Moix commence non sans prétention par se comparer à Terry Gilliam, grand archétype du cinéaste maudit, et son film Lost in la Mancha. Moix croit alors savoir que Cinéman est bien pire que ce que Gilliam a pu vivre. Il "lui a manqué la diversité de catastrophes que j'ai eue", confie le réalisateur, qui pour autant l'assure : "Je ne vais dauber sur personne, parce que le seul responsable, c'est moi."

"Ton film n'est ni fait ni à faire"

Dans ce film écrit pour Benoît Poelvoorde dans le rôle principal et Albert Dupontel dans le rôle du vilain, rien ne se passera comme prévu. Tout commence par le départ brutal d'Albert Dupontel : "Dans le scénario avec des photomontages, tellement obsédé par Poelvoorde, j'ai oublié Dupontel. Quand il a vu le scénario, il m'a dit : "Où est-ce que je suis ?" Du jour au lendemain, il a disparu, impossible de le joindre, plus aucune nouvelle de Dupontel."

Au moment de commencer le tournage, Benoît Poelvoorde signe pour Les deux mondes, avant d'enchaîner sur Les randonneurs à Saint-Tropez. L'acteur belge mettra un an pour lâcher ce que Yann Moix redoutait inconsciemment : "Ton film n'est ni fait ni à faire", lui assène le comédien. "Suivent d'autres journées de travail où il me fait des remarques. Je fais semblant de prendre ses propositions en compte tout en me disant : "'Écoute, connard, je suis un génie car j'ai fait quatre millions d'entrées avec Podium. Les acteurs ont besoin de mecs comme moi, sinon ils ne sont rien'."

"Le problème de Dubosc, c'est qu'il ressemble à tous les personnages"

Pour pallier le départ de Poelvoorde et le refus de Jean Dujardin (concentré sur OSS 117), il contacte Franck Dubosc. Contraint et forcé, bien qu'appréciant l'humoriste sur scène, Yann Moix se doit d'embaucher Dubosc "pour des raisons financières". Mais "le problème de Dubosc, c'est qu'il ressemble à tous les personnages", tout l'inverse du projet Cinéman. En "petit génie du cinéma français", Yann Moix se met alors à oser la comparaison avec "Milos Forman qui a choisi Jim Carrey pour Man on the Moon".

Sauf qu'en parallèle, la question du vilain se pose toujours : "Quand les méchants que je caste – François Berléand, Jean-Paul Rouve – apprennent que c'est Dubosc le personnage principal, ils se barrent", concède Yann Moix, "pire : je n'ose pas dire à François Cluzet, qui était partant, que ce n'est pas Poelvoorde qui tient le premier rôle. Bien sûr, il finit par l'apprendre et là, il m'en veut à mort." Il refuse alors Elie Semoun, qui se montrait insistant, pour prendre un ex-Robin des Bois, Pierre-François Martin-Laval.

"Je vais dans le mur tout en me disant que ça va aller"

Dans le déni, Yann Moix avoue que le casting féminin est également des plus chaotiques. "Julie Depardieu refuse mais Lucy Gordon accepte – elle se suicidera quelques mois plus tard, un drame", poursuit le réalisateur. "Je vais dans le mur tout en me disant que ça va aller" , nous dit-il. "Le tournage commence quand même et, dès le premier jour, une bagarre éclate entre deux techniciens [...] Je m'aperçois aussi que les Belges disent à mon chauffeur de venir me chercher en retard. J'arrive donc systématiquement sur le tournage à la bourre. J'ai fini par virer le mec", telles seront les anecdotes illustrant le climat délétère qui régnait sur le plateau.

Pendant le tournage, l'équipe voyage. Elle rencontre la pluie et la boue alors que Yann Moix souhaitait une séquence costumée façon Technicolor dans un bois aux couleurs du printemps (il aura tout l'inverse), avant de filer en Espagne à Almeria pour une partie western. Tempête de sable oblige, le tournage est bloqué pendant 10 jours, à raison de 80 000 euros par jour consommé.

"Comme si ça ne suffisait pas, Pef et Dubosc ne s'entendent pas du tout, ils se chamaillent comme des gosses puis ne s'adressent pas la parole de tout le tournage", nous informe le metteur en scène.

Des blessures en cascade, un montage houleux

Sur le tournage, les pépins vont se multiplier, avec en tête, des blessures : "Dubosc se casse la gueule dans les escaliers, il gît au milieu d'une mare de sang, tout le monde le croit mort mais il finit par se relever en hurlant : 'Cinéman vaincra !' Bilan : vingt- cinq points de suture", raconte Moix. Il ajoute : "Lucy Gordon manque de se noyer sur une pirogue avec les mains attachées dans le dos. Enfin, le pire : mon chef op' fait un infarctus un soir durant le tournage. Heureusement, il n'est pas mort mais on a dû changer de chef op'."

Passé en post-production, Yann Moix ne semble pas être au bout de ses peines. A cause de rushs peu convaincants, le réalisateur passera 18 mois en salle de montage à tenter "de trouver un film à l'intérieur de cette matière qui ne veut pas décoller". Yann Moix improvise, "déboussolé", il prend la "décision de le monter avec d'autres bouts de films libres de droits". "Jérôme Seydoux [le boss de Pathé - NDLR] voit ça, il sort sans rien dire. Après avoir parlé avec lui, mon producteur me dit : "Votre monteur, faut le noyer. Ou vous. Ou tous les deux, peut-être'", rapporte Moix.

Il poursuit et avoue avoir réécrit "tous les dialogues et une histoire qui n'a plus rien à voir". "Les acteurs reviennent en studio et disent d'autres dialogues, c'est pour ça que la post-synchronisation est foireuse", accorde-t-il. Plus aucune échappatoire : "Et je sens que ça va être le mur, le mur absolu dans la gueule", lâche le réalisateur, qui va même jusqu'à demander à Bernard-Henri Lévy de lui écrire une bonne critique.

Yann Moix devient alors la cible de nombreuses moqueries et critiques acerbes : "J'avais honte, physiquement honte, une impression d'être enveloppé de merde. Je n'ai plus osé sortir de chez moi pendant longtemps. C'est un film malade. Si j'avais su, j'aurais fait ma dépression plus tôt, avant de commettre ce film."

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