Pour ceux qui oseraient encore l'ignorer, Jean-Michel Aulas est un entrepreneur. Le rugueux businessman préside aux destinées de l'Olympique Lyonnais depuis plus de 20 ans (1987), et chacune de ses décisions sur le marché footballistique doit allier à l'instinct sportif la spéculation commerciale. L'arrivée éclair, dans les dernières heures du mercato estival, de l'ex-meneur girondin Yoann Gourcuff au sein du groupe rhodanien ne fait pas exception.
Alors, mardi, contraint de révéler un déficit record de la holding dont dépend le club, OL Groupe, Aulas avait sa botte secrète. Bien rompu à l'exercice de la gestion d'image et de la communication, avec lui, une mauvaise nouvelle ne manque jamais d'être contre-balancée par des perspectives positives. En l'occurrence, la valeur marchande, littéralement, de la nouvelle recrue. Le grand manitou de l'OL n'a en effet pas manqué d'indiquer que Yoann Gourcuff, rappelé en Bleu pour la course à l'Euro après avoir purgé ses deux matches de suspension, donne un sérieux coup de boost aux ventes de maillots. Un bon coup sur le terrain des produits dérivés qui est évidemment loin d'être une surprise pour Jean-Michel Aulas, lequel avait déjà évoqué le retour sur investissement certain après l'achat du joueur : "Je me suis renseigné avant d'acheter Yoann : 50% des maillots de l'équipe de France, vendus par Adidas [marque avec laquelle l'OL est désormais lié, NDLR], le sont grâce à lui depuis un an. Il vient d'arriver chez nous et le phénomène est le même : depuis fin août, un maillot sur deux vendu par Lyon l'est avec son nom." Le Parisien, qui indique que l'OL table sur la vente de 300 000 unités, rappelle que le contrat liant le joueur à son nouveau club est inédit, puisque c'est l'OL qui gère l'image de Gourcuff : "On a un accord avec les détenteurs de la marque Yoann Gourcuff qui nous permet de la développer avec tous les partenaires français ou étrangers intéressés", a fait valoir Aulas, fier de sa poule aux oeufs d'or. Et d'ajouter : "Cela se chiffre, à horizon de quatre ou cinq ans, en dizaines de millions d'euros."
De quoi faire passer la pilule du bilan lourdement déficitaire de la holding OL Groupe à la clôture, au 30 juin 2010, du dernier exercice : après cinq années bénéficiaires, ce sont des pertes s'élevant à 35,6 millions d'euros qui ont été révélées, tandis que le chiffre d'affaires régresse de 16,6% à 160 millions d'euros. A la fin de l'exercice 2008-2009, OL Groupe enregistrait un bénéfice de 5,3 millions d'euros.
Principal facteur de cette dégrigolade, outre un net recul des revenus issus des partenariats et de la publciité, une balance défavorable sur le marché des transferts : contrairement à l'année précédente, avec la très belle opération réalisée en cédant Karim Benzema au Real Madrid pour 35 millions d'euros, l'OL n'a pas pu renflouer ses caisses avec de telles transactions à forte plus-value. Dans le même temps, l'enveloppe de recrutement crevait le plafond à près de 96 millions d'euros (Lisandro Lopez, Michel Bastos, etc.). L'exercice 2010-2011 a débuté avec l'investissement de 22,3 millions d'euros pour l'acquisition de Yoann Gourcuff. Et le mauvais début de parcours lyonnais en championnat laisse planer le spectre d'une non-qualification pour la Ligue des Champions, dont l'OL a atteint les demi-finales l'an dernier, qui constituerait un manque à gagner critique. Gare au fiasco, les Bleus version Mondial savent quelque chose des répercussions sur les partenariats...
Circonstance atténuante : une hausse de 4,7% des produits hors contrats de joueurs, "avec des niveaux records de recettes sur la billeterie et les droits TV." Et, outre une augmentation de capital de plusieurs dizaines de millions d'euros, les décideurs lyonnais et ceux qui sont associés à sa valeur en Bourse misent beaucoup sur l'OL Land, le grand ensemble (stade de plus de 60 000 places, centre commercial, etc.) pensé depuis plusieurs années et en voie de construction en banlieue de Lyon, lequel accueillera l'Euro 2016, organisé par la France.
G.J.